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Gabon : Charles M’ba s’arroge le contrôle exclusif des emprunts de l’État

le coup de coeur

Derrière la réforme en apparence technique de la loi organique n°20/2024 relative aux lois de finances, se dessine une évolution majeure dans la gestion de la dette publique gabonaise. En transférant la pleine autorité sur la signature des emprunts directs de l’État au ministre des Comptes publics et de la Dette, Charles M’ba renforce considérablement son emprise sur l’un des leviers financiers les plus stratégiques du pays. Présentée comme une mesure de rationalisation et de transparence, cette centralisation interroge sur le nouvel équilibre des pouvoirs budgétaires et le rôle des autres institutions dans le suivi des engagements financiers du Gabon.

Jusqu’ici, les emprunts de l’État relevaient d’une répartition entre plusieurs acteurs, notamment le ministère du Budget et d’autres structures publiques, ce qui permettait un contrôle partagé et une certaine marge de négociation entre différentes parties prenantes. Désormais, toute ligne de crédit obtenue par une administration devra impérativement passer par Charles M’ba, consolidant ainsi son rôle en tant que seul interlocuteur des bailleurs de fonds. Cette réforme, en théorie destinée à éviter la dispersion des engagements et à optimiser la gestion des finances publiques, pourrait surtout marquer un tournant dans la concentration des décisions budgétaires au sein d’un seul ministère.

Assurer une meilleure cohérence des financements

Cette initiative intervient alors que le Gabon continue de contracter des emprunts massifs pour financer ses infrastructures, avec des engagements dépassant les 378 milliards de fcfa en 2025. Officiellement, l’objectif est d’assurer une meilleure cohérence des financements et d’éviter l’accumulation d’endettement incontrôlé. Mais en pratique, cette centralisation renforce l’influence de Charles M’ba sur l’ensemble des flux financiers extérieurs, lui conférant un pouvoir inédit sur la trajectoire budgétaire du pays. Cette mainmise pourrait lui permettre de négocier directement avec les créanciers internationaux, d’arbitrer seul les priorités de financement et même d’orienter les choix budgétaires du gouvernement selon ses propres critères.

Si cette réforme est saluée par certains comme un moyen de renforcer la discipline budgétaire, elle soulève aussi des inquiétudes sur le contrôle démocratique des finances publiques. L’un des risques majeurs est que cette concentration du pouvoir financier limite la transparence et l’implication des autres institutions dans la supervision des engagements pris. Le Parlement, censé jouer un rôle clé dans le suivi de la dette, risque de voir son influence réduite, alors même que les emprunts contractés aujourd’hui engageront le pays sur plusieurs décennies. Loin d’être anodine, cette évolution pourrait ainsi affaiblir les contre-pouvoirs et réduire la capacité des députés à imposer un véritable suivi des engagements financiers.

Dette : un enjeu stratégique

La gestion de la dette étant un enjeu stratégique, cette réforme pose également la question des équilibres au sein même de l’exécutif. En concentrant entre ses mains un tel levier financier, Charles M’ba se positionne comme un acteur incontournable du système économique gabonais, capable d’influer directement sur les grands projets d’infrastructure, les négociations avec les créanciers internationaux et les marges de manœuvre budgétaires du gouvernement. Si cette réforme est appliquée sans garde-fous clairs, elle pourrait non seulement modifier durablement les mécanismes de gouvernance financière du pays, mais aussi poser les bases d’une hyper-centralisation du pouvoir budgétaire au profit d’un seul ministère.

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