Au Gabon, la transformation numérique est en train de révéler une nouvelle ambiguïté. En effet, depuis sa nomination au ministère de l’Économie numérique, Mark Alexandre Doumba pilote la modernisation de l’administration, mais la soudaine apparition de sa sœur, Ornella Doumba, fondatrice d’EFLOW, attire toutes les attentions. L’entreprise propose la numérisation et l’archivage digital des documents publics et privés, un domaine qui correspond exactement aux priorités du ministère dirigé par son frère. Sur la toile, cette situation suscite des interrogations sur la transparence et la gouvernance, certains y voyant une proximité familiale trop confortable pour une administration censée être neutre.
EFLOW se positionne comme solution face au désordre documentaire des bureaux gabonais, mais le chevauchement avec le rôle du ministère pose question. La juxtaposition de l’offre entrepreneuriale et de la stratégie étatique fait naître un sentiment de confusion des genres. Quand l’État fixe des priorités et qu’une entreprise familiale se place exactement sur ce créneau, la perception d’un avantage indu est inévitable. Ce mélange des intérêts privés et publics alimente un débat de fond sur la gestion des marchés et des projets numériques. Sur Facebook, « Le Fils D’Ernest » estime que l’entrepreneuriat au Gabon est une affaire de « longs bras ».

Le profil de Mark Doumba renforce ce malaise. En plus de son rôle ministériel, il est fondateur de ClikPay, néobanque gabonaise offrant des services financiers numériques aux particuliers et PME. L’homme cumule donc fonctions publiques et initiatives entrepreneuriales dans des secteurs stratégiques pour l’État. Cette double casquette nourrit la confusion et pose des questions légitimes, comme cela a déjà été le cas avec Henri-Claude Oyima qui cumule son poste de ministre de l’Economie et celui de PDG de BGFI Group. Comment garantir l’équité dans l’attribution des marchés publics et la supervision de projets numériques, lorsque le ministre lui-même a des liens directs avec des acteurs privés ?

Cette situation prend racine dans une continuité familiale déjà ancienne. Leur père, Émile Doumba, ancien ministre de l’Économie et ex-directeur général de la BICIG, a laissé une empreinte durable dans la gouvernance gabonaise. Mais ce qui était autrefois un passage de relais d’expérience technique se transforme aujourd’hui en un écosystème où les réseaux familiaux et les responsabilités publiques se confondent. Pour cet internaute gabonais, c’est la preuve que ceux qui en ont veulent tout garder pour eux, au détriment du peuple. Cela se ferait « au nom du père, du fils et de la fille ». Les Doumba, en cumulant influence politique et initiatives entrepreneuriales, incarnent une nouvelle forme de concentration de pouvoir, difficilement dissociable de leurs projets privés.
Sur la toile, les commentaires sont partagés entre admiration pour la modernisation que ces initiatives apportent et scepticisme face à une possible captation des marchés publics. Si le travail d’Ornella Doumba dans l’archivage digital est indéniablement utile, sa juxtaposition avec l’autorité de son frère ministre suscite une vigilance nécessaire. Le débat met en lumière une question cruciale pour le Gabon : comment réussir la digitalisation de l’État tout en garantissant une gestion transparente et équitable, quand les mêmes noms apparaissent des deux côtés de l’équation ?