La Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog), pilier de l’économie gabonaise avec un chiffre d’affaires record de 933 milliards de fcfa, traverse l’une des pires crises sociales de son histoire. Depuis le 6 mars 2025, une grève générale illimitée, menée par les six syndicats de l’entreprise, a paralysé une partie de la production, avec des pertes estimées à 2 milliards de fcfa par jour. Alors que la direction qualifie le mouvement d’« illégal », les travailleurs dénoncent une redistribution injuste des richesses et un modèle de gouvernance qui profite davantage aux actionnaires d’Eramet qu’aux employés gabonais.
Plusieurs revendications des syndicats
Les revendications des grévistes portent sur une augmentation des salaires, primes et indemnités, que l’administration chiffre à 12 milliards de fcfa par mois. Pourtant, Comilog représente plus de 25% des revenus miniers du Gabon, et le secteur a généré 812,5 milliards de fcfa en 2023, malgré une chute de 27% par rapport à 2022. Les employés estiment que leur part de ces revenus est insuffisante. « Nous demandons seulement notre juste part », déclaraient les syndicats, dénonçant une politique salariale inégale. Ces mêmes syndicats « ont été invités par le cabinet du Président de la République en vue de préparer la rencontre avec le Chef de l’État ». Ce qui prouve bien que la crise sociale s’est transformée en un enjeu national, nécessitant une médiation politique au plus haut niveau.
Respect des procédures établies
Dans le même temps, une lettre adressée aux syndicats et à la direction de Comilog par le ministre du travail, rappelait que « le respect des procédures établies est non seulement une obligation légale, mais également un impératif moral pour garantir un climat de paix sociale ». Il précisait aussi que « lorsqu’un processus de médiation est en cours, le déclenchement d’une grève est considéré comme illégal », conformément à l’article 393 du Code du Travail. Un courrier resté lettre morte, puisque du côté de la direction, Léod Paul Batolo, directeur général de Comilog, campe sur une position inflexible.
Il rappelait à travers son directeur de la communication, Aunel Loumba, que le salaire moyen brut atteint 955 000 fcfa, alors que le plus bas salaire est fixé à 345 000 fcfa, soit 102% de la moyenne du marché. Mais son refus de négocier sous pression n’a cessé d’alimenter la crise et fragilise son autorité, d’autant que l’intervention directe de Christel Bories, PDG d’Eramet en septembre 2024, avait été perçue comme une ingérence dans un dossier politique.
Un enjeu national
L’enjeu dépasse donc largement Comilog. Les finances publiques du Gabon dépendent fortement du secteur minier, qui représente une part essentielle des recettes fiscales. Une paralysie prolongée pourrait provoquer un manque à gagner de plusieurs dizaines de milliards de fcfa, aggravant les tensions budgétaires. En 2025, 81,5 milliards de fcfa d’impôts miniers sont attendus. Un mois de grève retire donc près de 7% de ces recettes à l’État. Par ailleurs, l’instabilité sociale pourrait décourager les investisseurs et remettre en question l’avenir des projets d’expansion de Comilog, pourtant essentiels pour maintenir le Gabon dans le jeu mondial du manganèse.