Face au resserrement des marges budgétaires et à la baisse attendue des aides extérieures, le FMI dans ses dernières perspectives économiques régionales, recommande aux pays d’Afrique subsaharienne d’accroître leurs recettes intérieures en élargissant l’assiette fiscale et en améliorant la collecte. Le Gabon n’échappe pas à cette exigence. Dans un contexte de dépendance chronique aux revenus pétroliers, la nécessité de réformer la fiscalité devient urgente. Mais encore faut-il éviter que ces réformes freinent une croissance déjà fragile, évaluée à seulement 2,6% en 2025 selon la loi de finances.
Le FMI cite des pays comme le Nigeria, le Cap Vert ou la Sierra Leone, qui ont su accroître leur ratio recettes/PIB de plus de deux points entre 2022 et 2025, en rationalisant les exonérations fiscales et en renforçant le respect des règles. À l’inverse, au Gabon, les exonérations fiscales restent nombreuses, notamment dans les zones économiques spéciales ou à travers des conventions sectorielles peu transparentes. L’élargissement de l’assiette reste ainsi bloqué, tandis que le taux d’imposition effectif demeure mal réparti entre grandes entreprises, PME et secteur informel.
En 2025, les recettes non pétrolières du Gabon devraient atteindre 1 336 milliards de fcfa selon la loi de finances, soit un niveau en hausse, mais encore insuffisant pour couvrir les dépenses courantes sans recours à l’endettement. Cela pose la question de l’efficience du système fiscal et de la capacité de l’administration à suivre et contrôler les activités économiques, notamment dans les segments à forte valeur ajoutée. L’impôt devient parfois un outil de court terme, plutôt qu’un instrument stratégique de développement.
Henri-Claude Oyima, ministre de l’Économie et des Finances, hérite donc d’une architecture fiscale déséquilibrée. Il lui revient de réconcilier deux impératifs : augmenter les recettes fiscales sans casser l’initiative privée. Cela suppose une révision ciblée des régimes dérogatoires, un renforcement de la digitalisation des régies financières et un dialogue accru avec le secteur privé pour éviter la perception d’une pression fiscale arbitraire ou punitive.
Le véritable enjeu, pour le Gabon, n’est donc pas uniquement de “prélever plus”, mais de “prélever mieux”. Une fiscalité juste, efficace et transparente constitue un pilier essentiel d’un nouveau contrat social dans un pays en transition. Mais sans réforme sérieuse, la dépendance au pétrole restera la voie de moindre résistance, au risque de fragiliser encore davantage la souveraineté budgétaire du pays.