Le projet de décret visant à créer une Commission pour le Contrôle, l’Audit et la Vérification des participations et de la dette de l’État semble, à première vue, un effort pour améliorer la transparence dans la gestion des finances publiques gabonaises. En effet, cette commission, « rattachée directement à la Présidence de la République, aura pour mission d’auditer les participations de l’État dans les sociétés à capital mixte et de contrôler la gestion de la dette publique », peut-on lire dans le communiqué final du Conseil des ministres du 17 octobre 2024. Toutefois, cette initiative soulève des inquiétudes, car elle s’apparente à un retour à des pratiques centralisées sous la présidence, un mode de gestion qui a montré ses limites et conduit à des abus sous le régime d’Ali Bongo.
Sous le régime précédent, la concentration du contrôle des participations de l’État au niveau de la présidence avait favorisé une gestion opaque et souvent clientéliste des actifs publics. L’idée que cette nouvelle commission, créée sous la présidence, ait pour mission de contrôler les participations dans plus de 25 entreprises stratégiques, dans des secteurs clés comme les mines, l’énergie et les télécommunications, rappelle des épisodes où les intérêts privés et politiques étaient mêlés, sans véritable supervision externe. En effet, la Direction générale des Participations (DGP), déjà en place, avait justement pour but d’encadrer et de gérer les participations publiques. Le fait de créer un nouvel organe, tout en maintenant un contrôle direct par la présidence, soulève des doutes sur l’efficacité et l’indépendance de cette démarche.
L’absence de redevabilité de la présidence : un risque pour la transparence
L’un des problèmes fondamentaux de cette nouvelle commission est qu’elle sera justement placée sous la tutelle directe de la présidence, un organe qui, historiquement, ne rend de comptes à aucune institution de manière transparente. Les rapports de la commission, bien qu’ils soient transmis au Président de la République, pourraient ne pas être soumis à une réelle surveillance parlementaire ou publique, ce qui accentue les risques d’abus. Ce modèle de gestion centralisé, sans contre-pouvoir, a déjà conduit à des dérives sous Ali Bongo, où les décisions économiques prises au niveau présidentiel échappaient souvent aux processus de contrôle habituels, laissant place à des pratiques douteuses et à un manque criant de redevabilité.
Des risques pour la gestion de la dette et des participations publiques ?
En 2022, la dette publique gabonaise s’élevait à environ 6 000 milliards de fcfa, soit 63% du PIB. En 2023, elle a franchi un nouveau seuil à plus de 7000 milliards de fcfa. Une gestion opaque de cette dette par la présidence, sans contrôle indépendant, pourrait compromettre la capacité du Gabon à respecter ses engagements financiers, tant vis-à-vis de ses créanciers internationaux que de ses projets d’infrastructures domestiques. En outre, la mauvaise gestion des participations de l’État dans des entreprises à capital mixte, comme ce fut le cas par le passé, pourrait nuire à la performance économique du pays et accentuer les déséquilibres financiers. Au lieu de renforcer la transparence, ce modèle centralisé pourrait reproduire les erreurs du passé, en privilégiant des intérêts privés au détriment de l’intérêt public.