Lors de son allocution du 65ᵉ anniversaire de l’indépendance, le président Brice Clotaire Oligui Nguéma a exhorté l’élite politique et administrative à « adopter ce concept en le pratiquant, pour l’intérêt supérieur de la Nation ». Par ce message, il place la compétence et le mérite au cœur du projet de la Ve République. L’idée étant de mettre fin à un système de nominations complaisantes qui a souvent privilégié les loyautés régionales ou personnelles au détriment de la qualité du service public et de l’efficacité de l’action gouvernementale.
Changement profond des mentalités
La promotion de la compétence comme critère de gouvernance implique un changement profond des mentalités. Depuis des décennies, les carrières dans l’administration gabonaise se sont construites sur un mélange de réseaux, d’appartenances régionales et de fidélités politiques. Les concours publics, souvent contestés pour leur manque de transparence, n’ont pas toujours garanti une sélection basée sur le mérite. Pour inverser la tendance, le gouvernement devra mettre en place des mécanismes rigoureux de recrutement, d’évaluation et de promotion, de manière à ce que les meilleurs profils soient effectivement placés aux postes stratégiques.
L’exemple de certains secteurs stratégiques, comme la gestion des régies financières (Douanes, Impôts, Trésor), illustre bien ce défi. Ces institutions, essentielles pour la mobilisation des recettes publiques, ont souvent souffert de nominations politiques où la compétence technique n’était pas toujours le critère déterminant. Résultat : une efficacité limitée et une dépendance accrue de l’État à l’endettement extérieur. Si la réforme annoncée par le chef de l’État s’applique à ces secteurs, elle pourrait contribuer à améliorer la performance budgétaire et renforcer la souveraineté économique du pays.
Quid de la politique ?
Au-delà de l’administration, la question de la compétence concerne également le secteur politique. Dans un pays où les candidatures aux élections sont fréquemment influencées par des calculs régionaux, promouvoir des leaders sur la base de leurs compétences plutôt que de leurs origines représente un bouleversement. Le chef de l’État veut faire de cette orientation un principe de gouvernance : « la compétence primera désormais sur les origines ethno-régionalistes ». Mais il reste à voir comment ce principe pourra s’imposer dans un contexte politique où les appartenances identitaires restent des leviers puissants de mobilisation.
Le défi est donc à la fois de transformer les pratiques administratives et de modifier les comportements politiques. Pour réussir, cette réforme devra peut-être s’accompagner d’un cadre légal clair, d’une transparence accrue dans les nominations et d’une volonté ferme de rompre avec les compromis hérités de la géopolitique. Si ces conditions sont réunies, la compétence et le mérite pourront véritablement devenir les piliers d’une nouvelle gouvernance. Dans le cas contraire, le système risque de se reconfigurer sous d’autres formes, sans réelle amélioration de la qualité de l’État.