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Gabon-Guinée équatoriale : un partenariat sous-régional aux multiples lectures

le coup de coeur

Le 22 février 2025, le Gabon et la Guinée équatoriale ont officiellement mis en service l’interconnexion électrique entre les deux pays, permettant l’importation de 10 MW d’électricité vers le Woleu-Ntem. Présentée comme un jalon important de l’intégration sous-régionale, cette initiative symbolise une coopération renforcée entre les deux voisins et s’inscrit dans la dynamique de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) et de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Toutefois, au-delà des bénéfices immédiats, ce projet soulève également des interrogations sur la capacité du Gabon à répondre à ses propres besoins énergétiques.

En 2023, la Guinée équatoriale affichait une production électrique d’environ 400 MW, dont plus de 60% issus de l’hydroélectricité. Le pays, avec une production pétrolière de 93 000 barils par jour, a su investir dans ses infrastructures énergétiques et dispose aujourd’hui d’un excédent qu’il peut exporter. À titre de comparaison, le Gabon, qui produit environ 180 000 barils par jour, dispose d’une capacité électrique installée de 750 MW, mais en exagérant seulement 60% de cette puissance est réellement disponible, en raison de la vétusté du réseau et de difficultés d’exploitation.

Les 10 MW importés de la Guinée équatoriale représentent environ 2,2% des besoins énergétiques du Gabon, estimés à plus de 450 MW. Si cette interconnexion permet de soulager la province du Woleu-Ntem, elle reste marginale à l’échelle nationale. Libreville, par exemple, consomme à elle seule environ 250 MW, soit 25 fois plus que l’énergie importée. En revanche, l’impact financier est tangible : cette initiative devrait permettre une économie de 2 milliards de fcfa par an sur les coûts de gasoil nécessaires au fonctionnement des centrales thermiques locales.

Avec un potentiel hydroélectrique estimé à plus de 6 000 MW, le Gabon dispose pourtant des ressources nécessaires pour assurer son autonomie énergétique. Mais alors que la Guinée équatoriale a su structurer ses investissements pour devenir exportatrice d’électricité, le Gabon continue de dépendre de centrales thermiques coûteuses et d’importations ponctuelles. Les projets hydroélectriques en cours, comme Fé 2 (36 MW) ou l’Impératrice Eugénie (84 MW), pourraient, une fois achevés, modifier cette dynamique.

Cet accord avec la Guinée équatoriale s’inscrit donc dans une logique de coopération bénéfique à court terme. Mais il pose aussi la question de la trajectoire énergétique du Gabon et des efforts nécessaires pour renforcer son autonomie. Entre avancée diplomatique et signal d’alerte, chacun tirera ses propres conclusions sur ce partenariat et ce qu’il révèle de la gestion du secteur énergétique au Gabon. 

Cette situation est d’autant plus paradoxale que le Gabon multiplie les initiatives dans le secteur énergétique. Entre l’accord conclu avec le Turc Karpowership pour la location de barges électriques, les avances répétées d’Aggreko qui se livre un duel a distance avec l’opérateur Turc dont on ignore le réel contenu du contrat, et les projets comme celui de Ngoulmendjim porté par Gabon Power Company (GPC), le pays navigue entre importation, souscription auprès de prestataires privés et tentatives de production locale. Une posture pour le moins ambiguë qui pose la question de la cohérence et de la viabilité de la stratégie énergétique nationale.

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