Le 6 mars 2025, le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, a procédé à la remise d’une nouvelle dotation en matériel agricole, comprenant 29 tracteurs, 11 attelages et divers équipements d’entretien. Cette initiative s’inscrit dans la continuité de la première vague d’équipements octroyée en novembre 2024 et traduit la volonté du gouvernement de moderniser le secteur agricole afin de réduire la dépendance du Gabon aux importations alimentaires, qui couvrent encore plus de 60 % de la consommation nationale. En ciblant les services provinciaux, les entreprises sous tutelle et les coopératives, cette dotation vise à rendre l’agriculture plus productive et attractive, notamment pour les jeunes. Pourtant, malgré cet effort matériel, une question demeure : la mécanisation suffit-elle à structurer un secteur encore largement dominé par l’importation ?
Si la modernisation agricole passe par l’introduction de matériels performants, elle ne garantit pas à elle seule une augmentation significative des rendements. Le principal défi du Gabon ne réside pas uniquement dans le manque d’équipements, mais dans l’absence d’une véritable structuration du secteur. En effet, la faible organisation des filières, l’accès limité aux intrants agricoles (semences, engrais, irrigation) et le manque d’infrastructures de stockage et de transformation freinent considérablement la productivité. À titre de comparaison, des pays comme le Rwanda ou l’Éthiopie ont réussi leur transition agricole en combinant mécanisation, soutien aux petits exploitants et développement de l’agro-industrie.

Le Gabon, en revanche, reste confronté à un tissu agricole sous-financé, où les investissements restent insuffisants pour garantir une production de masse compétitive. Un autre défi majeur réside dans la logistique et la commercialisation des productions locales. Le Gabon souffre d’un réseau routier dégradé, avec plus de 80% des routes en mauvais état, rendant difficile l’acheminement des denrées vers les marchés urbains. Sans une amélioration des infrastructures de transport et de distribution, l’augmentation des rendements agricoles pourrait se heurter à un problème de débouchés, entraînant des pertes post-récoltes importantes.
De plus, le manque d’unités de transformation agroalimentaire empêche la création d’une véritable chaîne de valeur locale, obligeant le pays à continuer d’importer des produits transformés à forte valeur ajoutée. Un secteur agricole dynamique ne se limite donc pas à la production : il repose sur un écosystème où financement, formation, infrastructures et agro-industrie doivent fonctionner de manière coordonnée.

Si la volonté politique affichée par le gouvernement est un signal positif, elle doit s’accompagner d’une stratégie plus large pour espérer atteindre une véritable souveraineté alimentaire. Investir dans le matériel agricole est un premier pas, mais il faut aller plus loin : faciliter l’accès aux financements pour les exploitants, développer des zones agricoles intégrées avec des infrastructures adaptées, encourager l’investissement privé et structurer les filières porteuses comme le manioc, la banane plantain ou le maïs. Le Gabon a le potentiel de réduire sa dépendance alimentaire, mais elle ne pourra se faire sans une transformation profonde de son modèle agricole, au-delà des seuls équipements.