Depuis l’arrivée au pouvoir du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), une mesure phare a été la régularisation administrative de milliers d’agents publics. Entre septembre 2023 et septembre 2024, 4 428 dossiers ont été mis en solde, grâce au dégel des recrutements dans la fonction publique. 4 100 postes budgétaires ont été octroyés pour renforcer des ministères clés, notamment 2 553 pour l’Éducation nationale et 1 200 pour la Santé et les Affaires sociales.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Entre 2023 et 2024, le Gabon a connu l’une des plus grandes vagues d’intégration dans la fonction publique de son histoire récente. Pour les bénéficiaires, c’est un soulagement, mais pour les observateurs politiques, c’est aussi une stratégie habile. En augmentant le nombre de fonctionnaires, le pouvoir en place crée de facto une frange de l’électorat qui lui est redevable. Car comment ne pas voir un lien entre cette régularisation et le timing de l’élection ?
Réelle volonté politique ou stratégie électorale ?
Cette initiative, bien que saluée pour sa contribution à la stabilité de l’emploi, soulève des interrogations quant à son timing, coïncidant avec l’approche de l’élection présidentielle du 12 avril. Certains observateurs y voient une stratégie pour élargir la base électorale du pouvoir en place. Historiquement, l’octroi de postes budgétaires a parfois été utilisé comme levier politique au Gabon. Toutefois, il est important de noter que cette régularisation répond également à des revendications syndicales de longue date concernant la précarité de nombreux agents publics.
Rupture ou continuité
L’histoire politique gabonaise regorge d’exemples où l’État s’est servi de l’emploi public comme levier de fidélisation électorale. Sous Ali Bongo, les titularisations en masse n’étaient pas rares à l’approche des scrutins majeurs. La transition, qui se veut pourtant une rupture avec ces pratiques, semble avoir suivi un schéma similaire. Offrir la sécurité de l’emploi est un puissant argument, et bien que la mesure soit socialement bénéfique, son opportunité politique ne peut être ignorée.
D’autant que cette régularisation massive n’a pas été accompagnée d’une réforme profonde du système. La fonction publique gabonaise reste marquée par des dysfonctionnements structurels, une masse salariale qui pèse lourdement sur le budget et une productivité souvent critiquée. En l’absence d’une refonte des critères de recrutement et d’évaluation, l’intégration précipitée de milliers d’agents pose la question de la soutenabilité à long terme.