Alors que les autorités gabonaises ne cessent de marteler leur ambition de restaurer la souveraineté économique du pays, deux importants chantiers routiers viennent d’être confiés à des entreprises burkinabè : Sacba-TP pour la route Makokou-Okondja (260 km) et Ebomaf-Togo pour l’axe Lébamba-Mbigou-Malinga-Molo (208 km). Une décision qui interroge sur la cohérence entre le discours politique et la réalité des choix stratégiques opérés par l’État.
Ces contrats, dont le coût cumulé avoisinera plusieurs centaines de milliards de fcfa, offrent à ces firmes étrangères non seulement une forte visibilité mais également un ancrage durable sur le marché gabonais des infrastructures. Ebomaf, déjà bien implantée en Afrique de l’Ouest, s’est vue confier en parallèle la construction de l’aéroport international d’Andem. Quant à Sacba-TP, sa première opération d’envergure pourrait ouvrir la voie à d’autres marchés. Dans les faits, le secteur privé national reste cantonné aux marges des grands appels d’offres, faute de capacités techniques ou d’un environnement favorable à leur montée en puissance.
Ce paradoxe illustre une forme de dépendance structurelle que le discours sur la souveraineté économique peine à masquer. Si l’appel à des entreprises expérimentées peut se justifier par des impératifs d’efficacité et de délais, il révèle aussi les limites d’un tissu entrepreneurial local affaibli par des années de sous-investissement, de favoritisme et d’absence de politique industrielle volontariste. Or, une souveraineté véritable suppose de renforcer les compétences internes, de protéger les secteurs stratégiques et de créer les conditions d’une autonomie productive.
L’État gabonais se trouve ainsi à un carrefour : continuer de déléguer ses grands projets aux capitaux étrangers, ou mettre en œuvre des mesures fortes pour structurer un écosystème national capable de rivaliser sur le marché des infrastructures. Cela passe par la formation, la création de consortiums locaux, un meilleur accès au financement, et une révision des cahiers des charges pour favoriser la sous-traitance nationale.
En confiant simultanément à deux groupes burkinabè des projets aussi symboliques, le pouvoir de transition envoie un signal contradictoire. Il donne d’un côté l’image d’un pays ouvert aux investisseurs africains – ce qui est en qsoi louable – mais de l’autre, il compromet son propre agenda de reconquête économique nationale. La souveraineté ne peut être un simple slogan : elle doit se construire par des actes alignés avec les ambitions proclamées.