Aux lendemains du coup d’État militaire du 30 août 2023, qui a mis fin au régime « despotique et autoritaire » d’Ali Bongo Ondimba, le Gabon fait face à une situation économique de plus en plus préoccupante selon certains économistes, avec un endettement qui atteint des niveaux alarmants (de 7 131 milliards de francs fcfa fin 2022, le montant de la dette gabonaise devrait dépasser les 8 000 milliards de francs fcfa d’ici la fin de l’année 2024, selon le dernier rapport du FMI). Pour le professeur Albert Ondo Ossa, économiste et ancien candidat à la présidentielle de 2023, cette situation “met en péril l’avenir économique du pays”, et la gestion actuelle de la transition sous le Comité de transition et de restauration des institutions (CTRI) de Brice Clotaire Oligui Nguema “pourrait être qualifiée de pire que celle de l’ère Ali Bongo Ondimba”.
La dette publique du Gabon a continué de croître à un rythme effréné, frôlant aujourd’hui les limites de la soutenabilité. Selon les propos du professeur Ondo Ossa relayés par nos confrères de Gabon Review, «Oligui a fait pire qu’Ali Bongo en 14 ans». En effet, en 2022, le ratio de la dette par rapport au PIB était de 52%, avant de passer à 54% en 2023, pour atteindre aujourd’hui 71%, un niveau bien au-dessus de la norme communautaire de 60% fixée par la CEMAC. Cette hausse vertigineuse de la dette, confirmée par les données du FMI qui indiquent un taux de 73%, met en évidence une gestion économique défaillante.
LIRE AUSSI : Gabon: un ratio dette/PIB à 102% en 2029, le FMI avait finalement vu juste
Pourtant, le professeur Albert Ondo Ossa reste pessimiste sur l’avenir. Pour lui, «il n’y a pas de désendettement. Le pays ne fait que s’endetter», pointant l’absence de stratégie économique cohérente de la part du CTRI. Stratégie d’autant plus préoccupante que la transition militaire avait été présentée comme une opportunité de redresser les finances publiques. Les projections économiques pour 2025 dressent un tableau encore plus sombre, avec un taux d’endettement prévu de 78% du PIB, un seuil jugé insoutenable pour un pays en développement. Selon le professeur Ondo Ossa, ce niveau de dette met en péril la viabilité économique du Gabon, soulignant que «ce n’est pas ça, le développement».
La gestion actuelle de la dette se révèle inquiétante, d’autant plus qu’elle se déroule sans planification claire ni vision à long terme. La transition, selon Ondo Ossa, semble se concentrer davantage sur des choix budgétaires sans programme structuré, laissant place à des dépenses mal orientées. En 2025 par exemple, le Gabon prévoit des augmentations significatives de certaines dépenses, notamment les dépenses liées aux baux administratifs, qui avoisineront les 17,6 milliards de fcfa. Ces dépenses seront en concurrence avec d’autres secteurs vitaux comme l’aménagement du territoire, le tourisme et la culture, qui peinent à recevoir un financement adéquat pour stimuler l’économie.
LIRE AUSSI : Gabon: après Moody’s et le FMI, Fitch remet à son tour en cause la capacité de remboursement de la dette
De même, les dépenses de biens et services augmenteront de 95 milliards de fcfa, un choix qui pourrait exacerber l’endettement du pays sans résultats tangibles pour les citoyens. Des dépenses publiques élevées dans des secteurs peu porteurs risquent de ne pas avoir l’impact nécessaire pour relever l’économie gabonaise, déjà fragilisée par une gestion budgétaire approximative. La critique du professeur Ondo Ossa est donc sans appel : le Gabon se trouve dans une situation de crise financière, non pas à cause d’une révolution ou d’un coup d’État, mais en raison de décisions économiques mal orientées.
Estimant pour conclure « qu’un coup d’État ne règle pas le problème d’un pays. Encore moins, une révolution de Palais », Ondo Ossa met une note proche de zéro au CTRI, qui selon lui, semble se chercher, sans s’appuyer sur un projet économique bien défini et approuvé par la population. Au lieu de se concentrer sur un programme de désendettement et de croissance durable, la transition semble privilégier des dépenses récurrentes, notamment pour les baux administratifs et des services publics non optimisés. La gestion des finances publiques en 2025 devrait impérativement reposer sur une vision structurée, visant à équilibrer la gestion de la dette et les investissements dans des projets générateurs de croissance.