À Oyem, le 17 juillet 2025, le président Oligui Nguéma a vanté les mérites d’un nouvel accord conclu avec Eramet, la maison-mère de COMILOG, comme une victoire pour la souveraineté économique nationale. Au cœur de cette promesse : l’interdiction d’exporter du manganèse brut à compter du 1er janvier 2029. Objectif affiché : transformer localement cette ressource stratégique et en faire un vecteur de croissance inclusive. Mais derrière la communication rodée, le pari soulève une question de fond : le Gabon a-t-il vraiment les moyens politiques, administratifs et moraux, de redistribuer cette future richesse de manière équitable ?
La promesse est séduisante. Avec l’interdiction à venir et une période transitoire de trois ans, le Gabon veut forcer les multinationales à investir dans des unités de transformation sur place. Deux millions de tonnes de manganèse devraient désormais être traitées localement, et plus de 16000 emplois sont évoqués. Sur le papier, le récit est puissant : transformation industrielle, souveraineté économique, réduction du chômage, recettes fiscales renforcées. Le président le martèle : « faire de notre richesse naturelle une richesse nationale, partagée et transformée ici, chez nous ».
Mais cette ambition heurte de plein fouet la réalité du système. Car si la transformation locale est en théorie un levier de prospérité, encore faut-il que les fruits soient équitablement répartis. Or, dans un pays où la corruption gangrène depuis des décennies la chaîne de gestion publique, où les élites captent l’essentiel des richesses et où les institutions de contrôle sont atrophiées, rien ne garantit que cette « richesse nationale » ne se transforme pas en rente privée. Dans les zones minières, les populations locales restent souvent les grandes oubliées des grandes annonces.
La trajectoire du bois, dont l’exportation en grumes fut interdite en 2010, pourrait pourtant servir de leçon. Certes, la transformation locale a progressé, mais les promesses d’emplois massifs et de développement territorial ont été, pour une bonne part, diluées dans un système qui favorise quelques opérateurs bien connectés. L’histoire pourrait-elle se répéter ? Il serait naïf de l’exclure. Les beaux discours présidentiels ne sauraient masquer le besoin urgent de réformes structurelles pour garantir une gestion équitable des ressources.
En définitive, le pari sur le manganèse est peut-être louable. Mais sans un véritable mécanisme de traçabilité des recettes, de contrôle citoyen des investissements, et de réformes anticorruption visibles, il risque de n’être qu’une opération de communication bien huilée. À Oyem, le président a agité les symboles d’un avenir plus juste. Mais les Gabonais, eux, attendent des preuves, pas des promesses. La transformation minière n’a de sens que si elle se traduit dans les assiettes, les écoles, les hôpitaux. Faute de quoi, ce pacte social tant annoncé pourrait n’être qu’un pacte politique de plus.