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Gabon : l’économie peut-elle croître avec une baisse de la production pétrolière?

le coup de coeur

Le document de Cadrage macroéconomique 2026–2028 affirme que la croissance gabonaise pourra se maintenir, voire s’accélérer, malgré une baisse projetée de 3% de la production pétrolière sur la période. Cette hypothèse audacieuse repose sur la promesse d’une diversification enfin opérationnelle, portée par les secteurs minier, agricole, industriel et des services. Or, la réalité économique gabonaise montre que ces secteurs ne disposent ni de la profondeur, ni de la solidité requise pour compenser, à court ou moyen terme, la perte d’un moteur aussi structurant que le pétrole, qui représente encore près de 27% du PIB et la majorité des exportations.

En 2024, le secteur pétrolier avait enregistré une croissance de 3,1%, contribuant significativement aux 3,4% de croissance du PIB global. En 2025, avec une croissance anticipée de seulement 1,9% dans le pétrole, la croissance nationale retomberait à 2,4%. Pourtant, dans le cadrage 2026–2028, ces signaux d’alerte sont effacés, comme si la transition hors pétrole était déjà achevée. Le document ne dit mot sur la faiblesse des recettes d’exportation attendue, ni sur les risques de volatilité du prix du baril, ni sur la fragilité actuelle des flux fiscaux pétroliers.

Surtout, il omet de souligner que la stratégie pétrolière nationale repose désormais en grande partie sur l’exploration offshore profond, encouragée par la signature de nouveaux permis et la relance de partenariats avec des majors internationales. Si cette orientation est séduisante à première vue, elle est loin d’être sans risques. L’offshore profond est extrêmement capitalistique, technologiquement complexe, à retour sur investissement différé et fortement exposé aux chocs de prix.

À cela s’ajoutent plusieurs incertitudes opérationnelles. Une marée noire ou un accident sur une plateforme pourrait avoir des effets dévastateurs sur les côtes gabonaises et ruiner des années de promotion touristique et de marketing vert. Par ailleurs, les filières alternatives avancées comme solutions de remplacement montrent des signes de faiblesse structurelle. La production de manganèse a chuté de 5,8% en 2024 et encore de 6,9% au premier trimestre 2025. Le bois transformé a fléchi de 7,2%, tandis que l’exploitation forestière a reculé de 34,9%. Même les secteurs agricoles s’effondrent :

  • 6,5 pour l’huile de palme
  • 32,1% pour le caoutchouc.

Dans ces conditions, espérer qu’ils prennent le relais du pétrole dans les trois prochaines années relève du mythe. Le document ne propose ni plan massif d’investissement productif, ni réforme institutionnelle d’envergure, ni incitation fiscale sérieuse pour stimuler ces secteurs.

Dans le même temps, le rôle des investissements publics dans cette soi-disant relance est lui aussi marginal. 409,5 milliards de fcfa d’investissements par an, soit à peine 11% du budget, dont une part réduite est financée par des partenaires extérieurs. Ça ne suffira pas à créer un choc d’offre capable de compenser l’essoufflement du pétrole. Le discours d’un Gabon « post-pétrole » est aujourd’hui un pari mal calculé, lancé sans filet, et appuyé sur des projections bien trop optimistes. Ce n’est pas une transition, c’est un saut dans l’inconnu.

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