La suspension du rachat des actifs de Tullow Oil vient rappeler, de manière brutale, que la souveraineté énergétique ne se décrète pas, elle se finance. Ce revers intervient alors que le rachat d’Assala Energy continue de peser sur les équilibres financiers de l’État. À force de multiplier les acquisitions sans plan de financement transparent, le Gabon donne le sentiment d’une politique pétrolière fondée sur des annonces, et non sur une stratégie réaliste et maîtrisée. Le blocage du deal Tullow est le symptôme d’un État actionnaire en perte de boussole.
La Banque mondiale ne s’y est pas trompée. Dans sa note de juin 2025, elle met en garde contre une logique d’interventionnisme sans discipline financière : « L’État ne peut être un investisseur crédible sans rigueur comptable et transparence ». Or, ni le coût total du rachat d’Assala, ni les termes du financement de Tullow Oil ne sont rendus publics. Cette opacité complique toute évaluation de l’efficacité économique de ces investissements, et prive le Parlement et les citoyens d’un droit fondamental : savoir ce qu’on fait de leur argent.
Le cas Assala, bien que finalisé, n’a toujours pas livré ses résultats économiques. L’absence de publication des rapports d’activité ou des états financiers renforce la suspicion d’un rachat politique, guidé plus par des objectifs de posture que de performance. Dans le même temps, le report de Tullow, pour raisons de trésorerie, démontre que la GOC, bras armé pétrolier de l’État, est incapable de mener à bien des opérations d’envergure sans soutien externe. Ce qui questionne profondément la viabilité de son modèle économique.
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La Banque mondiale souligne également l’absence de synergies entre les actifs rachetés. Au lieu d’une stratégie d’ensemble, le Gabon semble avancer au coup par coup, sans analyse des risques ni pilotage macro. Le fichier unique des participations (FUP), pourtant censé offrir une vision consolidée des investissements publics, reste méconnu et obsolète. Ce déficit de gouvernance accentue le risque que les actifs pétroliers récemment rachetés se transforment en fardeaux structurels pour les finances publiques.
En multipliant les opérations de reprise sans mécanismes de rentabilité vérifiables, l’État gabonais compromet sa propre stabilité budgétaire. Le désenchantement autour de Tullow et les zones d’ombre sur Assala ne sont pas des exceptions, mais les signes d’un modèle à revoir en profondeur. À défaut de revoir sa stratégie, le Gabon risque de se retrouver non pas souverain, mais surendetté.