Depuis 2013, les dépenses de l’État gabonais en matière de loyers administratifs ont connu une hausse vertigineuse, passant de 6,6 milliards de fcfa à plus de 25 milliards de fcfa en 2025. Cette croissance représente une augmentation annuelle moyenne de 37,48%, un rythme totalement insoutenable pour un État ultra dépendant de ses rentes.
Ce chiffre ne peut s’expliquer uniquement par une hausse des besoins administratifs : il témoigne d’une absence de stratégie immobilière à long terme et d’un laxisme manifeste dans le contrôle des dépenses. Une telle dérive révèle une planification déficiente de la part des pouvoirs publics et un laxisme dans l’allocation des ressources.
Plusieurs facteurs expliquent cette explosion : la création incontrôlée de nouvelles entités publiques, l’absence de politique d’entretien et de réhabilitation du patrimoine immobilier de l’État, la destruction d’infrastructures existantes et l’extension incontrôlée de l’administration. Dans de nombreux cas, des institutions ont été contraintes de louer à prix fort des bâtiments appartenant à des sociétés privées, souvent dans des conditions peu transparentes. Ces pratiques ont contribué à créer un marché captif où les loyers sont gonflés au détriment du contribuable.
En 2021, un rapport du ministère du Budget indiquait que les loyers administratifs avaient atteint près de 22 milliards de fcfa, contre seulement 4 milliards prévus initialement dans le budget. Cela représente un dépassement budgétaire de 600%, une aberration comptable dans un pays où les priorités sont nombreuses et les ressources limitées. L’absence de suivi et de régulation dans l’attribution et la reconduction des baux a favorisé une économie parallèle entretenue par certains acteurs liés à l’administration. Cela a renforcé le caractère non soutenable de ces engagements à moyen terme.
Face à cette dérive, la décision du ministre de l’Économie, Henri-Claude Oyima, de suspendre tous les paiements relatifs aux baux administratifs apparaît comme un signal fort. Elle vise à instaurer une rupture avec les mauvaises pratiques passées et à conditionner toute reprise à un audit complet et transparent. Cette mesure permettra d’identifier les abus, les contrats surfacturés, et les biens loués mais non utilisés. Elle constitue une tentative de remettre de l’ordre dans les finances publiques, en particulier dans la gestion du patrimoine immobilier de l’État.
À plus long terme, cette crise pourrait être l’occasion d’une réforme profonde du secteur. Le Gabon devra investir dans la réhabilitation de ses bâtiments publics, créer un inventaire rigoureux de ses infrastructures, et encourager la construction de nouveaux locaux administratifs pour réduire la dépendance au privé. Toute chose qui passe également par l’élaboration d’une politique immobilière nationale cohérente, adossée à des principes de transparence, d’efficacité économique et de responsabilité budgétaire.