C’est l’une des priorités les plus visibles… et pourtant l’une des plus négligées. À Libreville, la gestion de la propreté urbaine reste un casse-tête municipal. Derrière les slogans sur la “ville verte” et les opérations de communication, les ordures s’accumulent dans les quartiers périphériques, les caniveaux restent obstrués même après les pluies. Si les camions de ramassage sont de plus en plus présents, le fait est que le problème dépasse largement l’image de la ville : il touche à la santé publique, à l’environnement et à la qualité de vie quotidienne.
Il faut dire que les défis sont multiples, mais certains restent invisibles au premier coup d’œil. Le plus préoccupant est sans doute l’absence d’une stratégie de filière : ni tri généralisé, ni compostage organisé, ni valorisation énergétique des déchets. À cela s’ajoute une organisation souvent éclatée entre les services municipaux, les prestataires privés et les ONG locales. En conséquence, des zones entières ne sont pas desservies, et les marchés comme Mont-Bouët ou Nkembo deviennent des foyers permanents d’insalubrité. Même les initiatives les plus prometteuses, comme les points de collecte “intelligents”, peinent à s’imposer durablement faute de maintenance et de suivi.
Mais Libreville n’est pas totalement démunie. Loin de là. La municipalité tente d’organiser la riposte. Elle prévoit d’intensifier les partenariats avec les sociétés spécialisées en collecte, d’introduire des modules d’éducation environnementale dans les écoles, et de relancer les fameuses “journées citoyennes”. Le Délégué spécial Adrien Nguema Mba veut faire de la propreté un marqueur de gouvernance, avec une réunion d’urgence convoquée dans les prochains jours pour harmoniser les efforts. Des amendes dissuasives sont également à l’étude, notamment pour les entreprises commerciales qui ne respectent pas les normes sanitaires de rejet.
Cependant, sans appropriation citoyenne, ces efforts resteront cosmétiques. Il ne suffit pas de mettre des bacs de tri ou de lancer des concours de quartiers propres. Ce qui manque cruellement, c’est une culture de la propreté collective, intégrée dans les gestes du quotidien. Aujourd’hui, peu de Librevillois savent où va leur sac-poubelle une fois ramassé quand il l’est. La transparence sur le cycle de traitement, les coûts associés et les résultats obtenus reste une exigence fondamentale pour rétablir la confiance.
Libreville a tout pour devenir un laboratoire écologique à l’échelle de la sous-région avec une population jeune, des compétences locales, et des enjeux de plus en plus pressants. Mais cette ambition suppose de passer d’une logique de réaction à une logique de planification, avec une vision à 10 ou 15 ans. La ville doit apprendre à faire propre, mais surtout à rester propre. Ce n’est qu’à ce prix que Libreville pourra espérer s’ériger, en modèle africain de gouvernance urbaine durable.