« Nous sommes tous des soldats au service de la Nation ». Le Président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguéma, a donné le ton : discipline, mission et résultats. Le premier séminaire gouvernemental de la Vᵉ République, ouvert le 10 août 2025, n’a pas été une cérémonie protocolaire, mais un audit grandeur nature des 100 premiers jours du gouvernement. Et dans cette nouvelle architecture politique, chaque ministre devient un “officier” comptable de ses résultats, chaque haut fonctionnaire un exécutant soumis à un contrat de performance.
Cette transformation s’apparente à une révolution managériale où l’État gabonais adopte les codes de l’entreprise privée. Objectifs chiffrés, indicateurs de performance, revues semestrielles, tolérance zéro pour l’improvisation… Les six piliers du projet présidentiel, eau et électricité, emploi des jeunes, logement et infrastructures, justice sociale, diversification économique, État éthique, deviennent des lignes de production à livrer dans les délais et au standard exigé.
Le discours martial présente une nouvelle philosophie où la loyauté envers la Nation se mesure en livrables. Les excuses disparaissent du vocabulaire politique, remplacées par une obligation contractuelle de résultats. Ce mode de gouvernance, inspiré des standards du management militaire et entrepreneurial, pourrait injecter rigueur et rapidité dans la machine administrative… mais il soulève une question centrale : où se place la marge d’erreur humaine dans un État où l’efficacité devient un dogme?
En imposant ce modèle, Oligui Nguéma pousse la culture politique gabonaise à rompre avec le temps long de l’administration pour embrasser la logique du “compte-rendu immédiat”. Les succès seront visibles, mais les échecs aussi. Dans un contexte budgétaire tendu et de réformes structurelles lourdes, l’État-entreprise voulu par le Président pourrait devenir une arme à double tranchant. Soit un accélérateur de développement, soir une fabrique de sanctions politiques.