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Gabon: Oyima et la rigueur budgétaire, entre effets d’annonces et contraintes structurelles

le coup de coeur

En présentant son bilan des 100 premiers jours, Henri-Claude Oyima a insisté sur la rigueur comme marqueur de son passage au ministère de l’Économie. Suspension des exonérations fiscales et douanières jugées anticoncurrentielles, obligation pour les entreprises publiques de reverser leurs dividendes directement au Compte Unique du Trésor (CUT), ou encore recensement des structures pouvant lever des fonds au nom de l’État. Le ministre a détaillé des mesures qui marquent une volonté claire de rationaliser les finances publiques.

Ces annonces traduisent l’intention de rompre avec certaines pratiques anciennes, souvent dénoncées pour leur caractère opaque et désordonné. Mais son cadrage macroéconomique 2026-2028 donne une lecture moins optimiste. Malgré la mise en place de ces outils de discipline, les chiffres parlent d’eux-mêmes. « Le solde budgétaire de référence atteindrait -11,7% du PIB en 2028 ». Autrement dit, le déficit continuera de se creuser, signe que les efforts engagés sur la transparence et la collecte ne suffisent pas à inverser la tendance. C’est une contradiction de taille entre le discours ministériel qui vante « la rigueur, la transparence et l’efficacité » et la projection chiffrée qui alerte sur une trajectoire loin des standards régionaux de la CEMAC. 

L’autre difficulté réside dans le poids écrasant de la dette. Le document budgétaire prévoit que « le ratio dette/PIB passerait de 44% en 2025 à 72,6% en 2027 ». Dans ces conditions, le pilotage intégré via le Compte Unique du Trésor, censé offrir une gestion plus fluide et rationnelle des finances publiques, ne pourra pas résoudre le problème structurel d’endettement croissant. Le risque est que le CUT devienne un simple tableau de bord affichant des déséquilibres permanents, sans marge de manœuvre réelle pour les corriger. C’est un peu comme renforcer la précision d’un thermomètre alors que la fièvre continue de monter : l’outil mesure mieux, mais il ne soigne pas.

De plus, l’exécution des investissements publics reste très en deçà des ambitions politiques. Le cadrage rappelle que « les investissements publics sur ressources propres devraient s’établir à 314,1 milliards de fcfa en moyenne annuelle sur la période », un montant qui apparaît dérisoire au regard des chantiers annoncés par le gouvernement. Même si Oyima parvient à améliorer la collecte des dividendes ou à limiter les exonérations, cela ne générera pas suffisamment de ressources pour combler l’écart. La conséquence prévisible c’est un recours accru aux financements extérieurs, qui viendront alourdir encore la dette.

Les annonces d’Oyima témoignent d’une volonté claire de moderniser la gestion financière. Mais en croisant ses mesures avec les projections officielles, on constate que la rigueur prônée risque de rester symbolique. Comme le souligne le cadrage, « la trajectoire budgétaire projetée reste incompatible avec les critères de convergence communautaire ». Le ministre de l’Économie dresse donc le portrait d’un chantier engagé, mais dont les fondations demeurent fragiles. Très fragiles. 

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