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Gabon : parallèle entre l’abstention et l’influence persistante du PDG

le coup de coeur

Le 16 novembre 2024, à l’occasion du référendum constitutionnel, les tendances des résultats semblaient en faveur du «Oui», une victoire que certains voient comme un signe de stabilité pour la transition en cours au Gabon. Toutefois, si cette victoire fait le bonheur de ses partisans, un élément majeur a obscurci cette impression de réussite : l’abstention record qui a marqué ce scrutin dans l’Estuaire principalement. Un phénomène symbolique d’un malaise profond et d’un désenchantement généralisé au sein du peuple gabonais, bien plus significatif que les résultats eux-mêmes.

Il y a un an, le peuple gabonais saluait le coup d’État du général Brice Clotaire Oligui Nguema, nourrissant l’espoir d’une rupture définitive avec le Parti démocratique gabonais (PDG) et le système des Bongo qui avait dominé le pays pendant près de cinq décennies. Cependant, après plusieurs mois sous le régime de la transition, cette espérance semble se transformer en déception. En effet, malgré la promesse de changements profonds, l’omniprésence du PDG dans les rouages du pouvoir et dans le paysage politique demeure. Que disaient les militaires le 30 août 2023 aux Gabonais ? “ «L’organisation des échéances électorales [tenues le 26 août] n’a pas rempli les conditions d’un scrutin transparent, crédible et inclusif tant espéré par les Gabonaises et les Gabonais. A cela s’ajoute une gouvernance irresponsable, imprévisible, qui se traduit par une dégradation continue de la cohésion sociale, risquant de conduire le pays au chaos », déclarait le porte-parole du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI).

Le PDG toujours au pouvoir ?

Pourtant, les cadres du PDG, parti renversé par les militaires pour leur “confiscation du pouvoir” et une “gouvernance irresponsable, imprévisible”, se retrouvent en majorité dans les délégations spéciales pour gérer les mêmes collectivités qu’ils ont quasiment détruites, au Parlement de Transition, dans la haute administration, au gouvernement, dans les représentations diplomatiques du pays, etc. C’est cette réalité qui a alimenté la forte abstention observée, un vote par non-participation qui, en soi, traduit la frustration d’une population qui se sent trahie, malgré une potentielle victoire du “Oui”.

La sortie de Me Nzigou conforte cette thèse

Au cœur de cette situation politique complexe se trouve Maître Anges Kevin Nzigou, avocat de profession et leader du Parti pour le Changement (PLC), longtemps considéré comme l’une des figures de proue de l’opposition à la famille Bongo, dont la posture permet d’émettre des hypothèses fiables. En effet, dans les semaines précédant le référendum, Me Nzigou, tout comme d’autres figures de l’opposition, avait exprimé son scepticisme vis-à-vis de la transition menée par le général Oligui, dénonçant notamment son caractère autoritaire et populiste. Cependant, quelques semaines avant le référendum, il s’est finalement aligné sur la position de soutien au pouvoir en place, appelant ses partisans à voter «Oui». Pour lui, cette position était avant tout une manière d’encourager la stabilité et de montrer une ouverture face à l’apparente rupture avec le système Bongo.

Mais après le scrutin ce 16 novembre, le même jour en soirée, la posture de Nzigou surprend les observateurs de la vie politique. Au sortir de la campagne référendaire, le leader du PLC a publiquement changé de ton, appelant désormais à «chasser le PDG». Un virage à 180 degrés qui reflète un malaise grandissant au sein de la classe politique gabonaise et qui semble surtout signifier une volonté de se distancer de la politique actuelle. Dans une déclaration récente, Maître Nzigou a ainsi affirmé : « Le peuple gabonais a cru à un changement, mais il est aujourd’hui clair que nous sommes toujours sous la domination du PDG, un parti dont les méthodes et les pratiques sont loin d’être oubliées. Il est plus que jamais temps de chasser le PDG de notre avenir ».

Parallèle entre l’abstention et l’influence persistante du PDG

Le virage de Me Nzigou s’inscrit dans un contexte où l’abstention, phénomène rarement vu à cette échelle au Gabon, devient un puissant indicateur du désenchantement populaire. Le faible taux de participation au référendum de novembre 2024 n’est pas simplement un rejet des propositions constitutionnelles, mais un rejet implicite des méthodes et de l’influence persistante du PDG. Loin d’être un «Oui» enthousiaste pour les réformes proposées, ce scrutin reflète plutôt un scepticisme généralisé et une désillusion face à la continuité des pratiques du passé.

À travers cet appel à «chasser le PDG», Maître Nzigou souligne clairement que malgré les apparences de changement, les pratiques qui ont caractérisé les années Bongo sont toujours bien ancrées. Il dénonce ainsi l’absence de réformes structurelles véritablement profondes et le maintien d’une élite politique issue du système Bongo, qui continue de tirer les ficelles en coulisses. Cette absence de rupture nette est, selon Me Nzigou, à l’origine de l’abstention massive : « Le peuple a cru qu’il se débarrassait du PDG, mais il se retrouve aujourd’hui à devoir subir les mêmes méthodes, les mêmes pratiques. Il n’y a pas eu de véritable changement. Il est donc légitime pour les Gabonais de se désengager du processus qui semble être une façade », a-t-il expliqué.

Cette prise de position radicale soulève bien des questions sur la stratégie politique de Nzigou à long terme. Après avoir un temps mis en veille ses ambitions de confrontation frontale avec le pouvoir en place, il semble désormais vouloir incarner une opposition claire, plus radicale et résolue à dénoncer la persistance du PDG. Mais ce virage pourrait également refléter un calcul tactique. À un moment où l’ensemble du paysage politique semble encore sous l’influence de l’ancien régime, Nzigou pourrait chercher à capitaliser sur le mécontentement croissant de la population, en se positionnant comme le porte-voix d’un changement authentique. Cependant, ce retournement soulève aussi la question de la cohérence de son discours et de ses intentions politiques, surtout à un moment où les lignes politiques sont encore floues et où la transition reste fragile.

A quand un véritable changement ?

La situation actuelle au Gabon demeure complexe et pleine d’incertitudes. Si Maître Nzigou réussit à crédibiliser son appel à «chasser le PDG», il pourrait effectivement jouer un rôle clé dans la définition du nouveau paysage politique du pays. Toutefois, cela ne pourra se faire qu’en surmontant les défis de cohérence dans son discours et de légitimité dans ses prises de position. Le peuple gabonais, qui s’est massivement abstenu lors du référendum, attend encore de voir si les promesses de changement se traduiront par des actions concrètes, ou si, comme craint par beaucoup, le Gabon continuera de vivre sous l’ombre du PDG. Le défi reste immense, mais le chemin vers un véritable changement, dépourvu des influences du passé, semble plus que jamais indispensable pour restaurer la confiance du peuple dans ses institutions.

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