C’est une bombe silencieuse qui pourrait éclater au sein de l’écosystème para-public gabonais. Le 19 juin 2025, les dirigeants de Pizolub, entreprise nationale spécialisée dans la production de lubrifiants, ont été reçus en urgence par le ministre du Pétrole. Mais pour quelle raison? Une situation financière catastrophique, marquée par une dette abyssale de 13 milliards de fcfa et une perspective légale de dissolution. Dans un contexte économique tendu, cet énième signal d’alerte soulève de nombreuses interrogations sur la gouvernance des entreprises publiques et le rôle de Gabon Oil Company (GOC), actionnaire majoritaire.
« Nous étions à -12 milliards, voire -13. Et à ce niveau, la société, logiquement, n’existe plus », a admis Jean Koumbi Guiyedi, président du conseil d’administration de Pizolub. Une déclaration d’une rare franchise, qui s’appuie sur l’article 664 de l’Acte uniforme OHADA : lorsque les pertes d’une société commerciale dépassent la moitié de son capital social, les associés doivent statuer sur sa dissolution. En l’absence de réaction, cette dernière peut être imposée par voie judiciaire. Autrement dit, Pizolub est juridiquement en état de dissolution, et donc, en faillite technique.
Pizolub : une coquille vide
Depuis quelques mois GOC est devenue le principal actionnaire de Pizolub, avec l’ambition affichée de structurer une filière nationale des produits pétroliers dérivés. Mais en réalité, cette opération a surtout consisté à absorber une coquille déjà vide comme vient de le reconnaître le PCA. En devenant actionnaire sans injecter une recapitalisation sérieuse, GOC s’est exposée à un passif qui pourrait se retourner contre elle. Pizolub n’est pas seulement une entreprise déficitaire, elle est aussi un trou noir comptable.
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Le gouvernement n’a pour l’instant pris aucune mesure concrète. Le ministre du Pétrole s’est contenté de demander un plan de restructuration urgent, sans engager de ligne budgétaire, ni même ouvrir la discussion sur une mise en liquidation. Une posture prudente en apparence, mais qui semble révéler une stratégie de temporisation, dans un pays où la culture de l’évaluation publique est encore embryonnaire.
Incapacité structurelle de l’État
Ce dossier souligne une fois encore l’incapacité structurelle de l’État à faire des choix clairs. L’exemple des Comptes d’affectation spéciale (CAS) est aussi emblématique que celui des entités publiques : des structures maintenues malgré leur inefficacité chronique, par pur réflexe de contrôle politique. Cette gestion hésitante n’est pas isolée. Pizolub est l’arbre qui cache une forêt d’entités publiques ou parapubliques en état de mort clinique, mais maintenues artificiellement sous perfusion budgétaire.
ENCADRÉ : ce que dit l’article 664 de l’OHADA
Lorsqu’en raison des pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux propres d’une société deviennent inférieurs à la moitié du capital social, les associés doivent, dans les quatre mois suivant l’approbation des comptes, statuer sur la dissolution anticipée. À défaut, tout intéressé peut demander la dissolution judiciaire. Dans le cas de Pizolub, ce délai est en train d’expirer sans réaction publique concrète.