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Gabon : pourquoi Olam, fer de lance du régime d’Ali Bongo, opère-t-il un retrait stratégique après la chute de ce dernier  ?

le coup de coeur

Olam International, géant singapourien de l’agro-industrie et ancien partenaire clé du régime Bongo, semble progressivement tourner la page de son histoire au Gabon. Alors que le pays s’achemine vers une nouvelle ère politique, marquée par l’éviction du président Ali Bongo et la fin de la transition militaire marquée par l’élection d’Oligui Nguéma, Olam s’éloigne du Gabon. Pourquoi ?

Ce retrait n’est pas qu’un simple désengagement économique, mais symbolise la fin d’un modèle de partenariat privilégié, longtemps ancré dans les relations de l’entreprise avec l’ancien pouvoir. Et pour cause, Olam a été un acteur incontournable dans le développement des secteurs agricoles et logistiques du Gabon. 

Un soutien politique fort sous Ali Bongo qui prend fin

L’entreprise dirigée à l’époque par Gagan Gupta, a consolidé sa position au fil des années, grâce à un soutien politique fort, avec notamment des exonérations fiscales et des conditions de marché privilégiées. Cependant, après la chute du régime Bongo en août 2023, cette relation est devenue de plus en plus instable. Olam a entamé une série de réorganisations et de cessions, marquant un retrait progressif de ses investissements au Gabon.

Le 17 avril 2025, Olam a annoncé la cession totale de sa participation dans Arise Ports & Logistics (Arise P&L), une coentreprise stratégique qu’il détenait avec l’État gabonais. Cette opération, d’un montant de 175 millions de dollars US (environ 100 milliards de fcfa), a été réalisée au profit de la plateforme d’investissement dubaïote, Equitane DMCC. Arise P&L gère des infrastructures logistiques essentielles au pays, dont le port minéralier d’Owendo et le terminal de marchandises générales. Ces infrastructures ont longtemps été un pilier de la stratégie économique du Gabon sous le régime Bongo, incitant à se poser la question : qu’implique ce retrait pour l’avenir des infrastructures stratégiques gabonaises ?

Cette cession ne fait que renforcer l’idée d’un désengagement d’Olam du Gabon, un processus qui a débuté après la transition politique de 2023. L’entreprise a déjà procédé à plusieurs fermetures et ajustements de ses opérations en Afrique centrale, avec une réduction de sa présence dans des projets jugés non essentiels, en particulier ceux liés à l’infrastructure et à la logistique. Ce désengagement est officiellement présenté comme une stratégie de repli vers ses secteurs de base, mais il s’agit également d’un signal clair : la fin d’un partenariat étroit, qui ne trouve plus sa place dans le nouvel ordre politique du pays.

Réalignement des intérêts économiques et politiques

Le retrait d’Olam au Gabon est d’autant plus marquant qu’il s’inscrit dans une dynamique plus large de réalignement des intérêts économiques et politiques. Au-delà des chiffres et des transactions, cette opération symbolise un changement de paradigme majeur, où la politique de partenariat avec des entreprises liées à l’ancien régime s’éloigne pour laisser place à un modèle plus diversifié et potentiellement moins axé sur les grands groupes étrangers.

En parallèle de cette cession, une autre transaction significative a secoué le paysage économique gabonais. Le projet de l’aéroport d’Andeme, initialement attribué à Olam, a été subtilisé par le groupe Ebomaf. Ce projet, d’un montant estimé à 220 milliards de fcfa, représente une part significative des investissements étrangers dans les infrastructures gabonaises. Ebomaf, un groupe basé au Burkina Faso, a pris le relais d’Olam, une démonstration de la manière dont les dynamiques de pouvoir et d’influence se sont déplacées depuis le départ du régime Ali Bongo. Ce revirement dans le financement et la gestion de projets clés marque également une rupture dans les stratégies d’alliance qui prévalaient sous l’ère Bongo.

Une réévaluation des partenariats étrangers ?

Le cas de l’aéroport d’Andeme souligne de manière évidente la nature des réajustements en cours : une réévaluation des partenariats étrangers, une redéfinition des priorités stratégiques et un contrôle accru des ressources nationales. Olam, de plus en plus écarté des projets de grande envergure, voit ainsi sa position affaiblie au profit d’acteurs plus flexibles, comme Ebomaf, qui bénéficient d’un capital politique plus neutre et beaucoup plus lié aux réseaux du nouveau régime. 

Cette évolution pourrait s’avérer bénéfique pour le Gabon, qui se trouve aujourd’hui dans une situation où la diversification des partenariats économiques semble plus urgente que jamais. En se désengageant d’Olam, le pays ouvre la voie à de nouvelles alliances, moins marquées par les anciennes logiques de monopoles et de contrôle direct par l’État. Le défi réside cependant dans la capacité de ces nouveaux investisseurs à maintenir le cap en termes de développement durable et d’expertise technique.

Vers plus de transparence et d’efficacité

L’arrivée d’acteurs comme Ebomaf, bien que marquée par des succès notables dans la construction d’infrastructures en Afrique, devra maintenant faire face à des attentes élevées, notamment en matière de transparence et d’efficacité. La question est désormais de savoir si ces nouveaux acteurs pourront non seulement remplacer Olam dans des projets d’envergure, mais aussi instaurer un modèle de gouvernance plus inclusif et respectueux des exigences économiques du pays.

ENCADRÉ : Olam au Gabon, quand proximité politique et opportunités se confondent

En prenant la direction d'Olam Afrique en 2021, tout en conservant son rôle de directeur général d'Olam Gabon, Gagan Gupta a renforcé l'empreinte de l'entreprise au Gabon. Sous le régime d'Ali Bongo Ondimba, Olam a su tirer parti de ses relations étroites avec le pouvoir pour s'implanter dans des secteurs cruciaux tels que l'agriculture, l'agro-industrie, et les infrastructures. Cette proximité avec les instances dirigeantes gabonaises a souvent été vue comme un levier pour accéder à des marchés clé, soulevant des questions sur l'équité et la transparence des pratiques commerciales dans le pays. D'ailleurs, le fils d'Ali Bongo Ondimba, Nourredin Bongo Valentin, en était le directeur général adjoint.

La déclaration de Gagan Gupta en 2021, « Je resterai au Gabon même si je suis désormais appelé à superviser les investissements du Groupe à travers toute l’Afrique », soulignait son engagement envers le pays, mais posait déjà la question de la durabilité d'une telle stratégie de croissance. Alors que le groupe continuait de capitaliser sur cette proximité politique, la chute du régime Bongo le 30 août 2023, a relancé le débat sur la nécessité d'une gouvernance transparente et inclusive pour assurer un développement véritablement bénéfique à long terme pour le Gabon et ses habitants.

Ferdinand Demba
Directeur de publication
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