L’accord signé le 15 février 2025 entre l’État gabonais, la SEEG et la société turque Karpowership, visant à injecter 70 mégawatts supplémentaires dans le réseau national, marque une avancée dans la lutte contre les délestages. Toutefois, au-delà des annonces officielles, une question cruciale reste en suspens : qui paiera la facture ? Entre coûts de production, maintenance et prix du carburant, les implications financières de ce contrat pour les ménages gabonais restent floues.
Le gouvernement a présenté cet accord comme une réponse immédiate à la crise énergétique. Pourtant, derrière cette promesse de stabilité se cache une réalité économique incontournable : l’électricité a un coût. La mise en service des centrales électriques flottantes de Karpowership nécessite un investissement initial estimé à 12 milliards de fcfa par mois, auquel s’ajouteront les frais d’exploitation, entre autres.
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Si aucune annonce officielle n’a été faite sur la répercussion de ces coûts sur les tarifs appliqués aux consommateurs — en attendant des réponses aux questions adressées au ministre de l’Énergie —, l’expérience d’autres pays ayant eu recours à des solutions similaires laisse présager une hausse des factures. La production d’électricité via des barges flottantes, souvent alimentées au fioul lourd ou au gaz, est notoirement onéreuse, en raison des coûts élevés du carburant et de la logistique spécifique qu’elle implique.
Qui supportera les coûts du carburant ?
L’un des aspects les plus préoccupants de cet accord concerne la prise en charge des frais liés au carburant. Si l’État gabonais et Karpowership n’ont pas détaillé les modalités de financement, il est probable que ces coûts soient in fine supportés par la SEEG et, par extension, par les consommateurs. L’utilisation du fioul ou du gaz naturel liquéfié (GNL) pour alimenter ces centrales pose en parallèle une question centrale : le Gabon devra-t-il importer ces combustibles à un prix fluctuant sur les marchés internationaux ? Si oui, l’impact sur la facture d’électricité pourrait être significatif.
Outre le carburant, l’entretien des centrales flottantes représente une dépense récurrente. Qui prendra en charge ces coûts ? L’État ? La SEEG ? Karpowership ? Aucune communication officielle ne permet de le dire pour l’instant. Si l’on se réfère aux contrats similaires conclus dans d’autres pays, la maintenance des installations est souvent incluse dans le contrat initial mais peut donner lieu à des coûts supplémentaires non anticipés. Sans transparence sur ces points, il est difficile d’évaluer l’impact réel de ce projet sur l’équilibre financier du secteur énergétique gabonais.
Vers une répercussion sur les consommateurs ?
Sans réforme structurelle du mode de tarification de l’électricité au Gabon, il est peu probable que l’État puisse absorber seul l’ensemble des charges liées à cet accord. Une hausse des tarifs pour les ménages et les entreprises pourrait donc être à prévoir, bien que le gouvernement puisse, dans un premier temps, chercher à subventionner une partie des coûts pour éviter une grogne sociale. Reste à savoir si cette solution est viable sur le long terme. Le risque est de voir la SEEG accumuler de nouvelles dettes ou d’assister à une détérioration de la qualité du service si l’entretien des infrastructures n’est pas assuré correctement.
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Si ce partenariat avec Karpowership permet de répondre à l’urgence de la crise énergétique, il soulève néanmoins des interrogations majeures quant à son impact économique et social. Faute de clarté sur la répartition des coûts, les Gabonais pourraient être contraints d’en payer le prix, directement ou indirectement. Alors que le gouvernement met en avant son engagement pour une énergie plus stable, il lui reste à rassurer les citoyens sur un point essentiel : cette stabilité sera-t-elle accessible sans alourdir la facture des ménages ? À ce jour, la question demeure sans réponse.