Avec l’application de l’ordonnance n°006/PR/2025, 30 % du budget général de l’État gabonais, soit 1 261,47 milliards de fcfa, seront transférés aux collectivités locales pour financer leurs nouvelles compétences. Cette initiative marque une avancée significative vers la décentralisation. Cependant, la question cruciale demeure : comment ces fonds seront-ils répartis entre les différentes provinces et communes du pays ?
Une répartition strictement égalitaire entre les neuf provinces attribuerait environ 140,16 milliards de fcfa à chacune. Cette approche garantirait une allocation uniforme, sans tenir compte des disparités démographiques ou géographiques. Par exemple, la province de l’Estuaire, qui abrite Libreville, la capitale, compte 895 689 habitants, soit près de 40 % de la population nationale estimée à 2,3 millions en 2023. À l’opposé, la province de la Nyanga ne compte que 52 854 habitants. Une distribution égale ne refléterait donc pas les besoins spécifiques de chaque province.
L’Estuaire recevra 40% du budget général
Une autre option serait de répartir les fonds en fonction de la population de chaque province. Dans ce scénario, l’Estuaire recevrait une part proportionnelle à sa population, soit environ 40% des 1 261,47 milliards de fcfa, ce qui représenterait environ 504,59 milliards de fcfa. En revanche, la Nyanga recevrait une part beaucoup plus modeste, correspondant à sa faible population. Cette méthode tiendrait compte de la réalité démographique, mais pourrait accentuer les inégalités régionales.
D’autres critères pourraient être envisagés pour une répartition plus équitable, tels que l’indice de pauvreté, l’état des infrastructures ou la capacité fiscale propre de chaque province. Par exemple, une province avec des recettes fiscales élevées pourrait recevoir moins de fonds qu’une province moins favorisée. Cependant, la mise en œuvre de cette approche nécessiterait des données précises et actualisées, ainsi qu’une évaluation rigoureuse des besoins locaux.
Transparence et bonne gouvernance
La réussite de cette réforme dépendra donc de la transparence et de la bonne gouvernance dans l’utilisation des fonds alloués. Sans mécanismes de contrôle efficaces, il existe un risque de mauvaise gestion ou de détournement des ressources, ce qui compromettrait les objectifs de développement local. Il est donc essentiel d’établir des procédures claires et des instances de surveillance pour assurer une utilisation optimale des fonds transférés aux collectivités locales.
Pour se donner un ordre d’idée, on peut se référer à l’initiative du Président de la Transition, qui avait octroyé 7 milliards de fcfa par province, soit un total de 63 milliards de fcfa pour l’ensemble du pays. Si cette enveloppe exceptionnelle visait à soutenir le développement local, son utilisation a soulevé des interrogations, en l’absence de plan d’exécution clair et d’une stratégie de développement bien définie. À ce jour, aucun bilan précis de l’impact de ces fonds n’a été présenté. Cette méthode de répartition, bien que symboliquement égalitaire, a mis en avant un manque de suivi et d’évaluation quant à la réelle efficacité de ces financements. Le risque serait donc que le transfert des 1261 milliards de fcfa aux collectivités locales suive le même schéma, sans garantie de résultats concrets pour les populations.








