Ils se lèvent tôt, finissent tard, transportent, vendent, construisent, cuisinent, livrent, font . Ce sont des centaines de milliers de Gabonais qui travaillent, souvent sans contrat, sans sécurité sociale, sans perspective d’évolution. Et pourtant, leur réalité est la pauvreté. Comme le souligne la Banque mondiale, « environ 70 pour cent des emplois dans la région CEMAC étaient considérés comme vulnérables ». Au Gabon, cette vulnérabilité devient peu à peu la norme. On travaille, mais on reste pauvre. On survit.
Le concept de “travailleur pauvre” qui s’est imposé dans de nombreux pays, est désormais bien réel au Gabon. On a un emploi, mais on vit avec moins de 4 000 fcfa par jour. Selon le dernier baromètre de la CEMAC estampillé Banque mondiale, « 58,2% de la population vit avec moins de 3,65 USD par jour, et 82,1% avec moins de 6,85 USD ». Beaucoup n’ont que l’école primaire certes, mais nombre d’entre eux sont diplômés du supérieur. Résultat : les Gabonais, en plus d’être piégés dans une trappe de sous-qualification, sont également sous payés. Et sans formations accessibles, ils y resteront.
Pendant ce temps, le sommet de l’État s’autorise primes et avantages Ce constat ne dérangerait pas autant s’il n’était pas doublé d’un autre fait : pendant que les Gabonais s’éreintent pour un revenu de misère, l’exécutif élargit son confort. Récemment, le gouvernement a signé plusieurs décrets dotant ses vice-présidents et ministres d’État de cabinets pléthoriques. Des directeurs, des chargés de mission, des véhicules, des primes, des moyens matériels considérables, le tout payé par les contribuables. C’est une gabegie qui indigne, surtout dans un pays où des travailleurs peinent à manger deux fois par jour.
La Banque mondiale ne peut pas le dire directement, mais elle le montre clairement et significativement : le Gabon dépense mal. « Les limitations des systèmes de protection sociale réduisent la capacité des pays à protéger les plus vulnérables face aux chocs économiques », précise l’institution de Bretton Woods. Pendant qu’on alourdit les lignes budgétaires pour des cabinets ministériels, les familles pauvres, elles, n’ont ni filets sociaux, ni soutien alimentaire, ni couverture de santé adéquates. La pauvreté est désormais institutionnelle, car elle résulte aussi de choix politiques.
La Banque mondiale est pourtant claire. Il faut réorienter les investissements vers l’éducation, la santé et la formation professionnelle. Elle appelle à « accroître et améliorer les investissements dans l’éducation, la santé et la formation professionnelle ». Mais tout cela exige de rogner sur les privilèges, de briser le confort d’une caste politique qui vit dans l’entre-soi, déconnectée du quotidien des Gabonais. Le pays a les moyens de se relever. Mais pas s’il continue de mettre plus d’argent dans les les fauteuils que dans les écoles.