Derrière le discours lissé et polissé sur la rigueur budgétaire, l’État prépare une austérité ciblée qui n’ose pas dire son nom. Le document de cadrage 2026-2028 annonce une réduction des dépenses courantes et un recentrage sur les investissements stratégiques. Mais dans le détail, ce sont principalement les dépenses sociales et les transferts aux collectivités qui risquent de faire les frais des ajustements. Comme le note la Banque mondiale, « la faiblesse du ciblage des dépenses entraîne des inefficiences criantes dans les secteurs sociaux ». Une manière polie de dire que les coupes frapperont là où ça fait mal : santé, éducation, développement local.
En parallèle, des secteurs-clés comme la défense, les cabinets politiques ou les institutions de souveraineté continuent d’échapper au rabot budgétaire. Le cadrage budgétaire parle de « rationalisation », mais évite soigneusement la remise en cause des dépenses de prestige ou des doublons institutionnels. Or, ces postes budgétivores représentent une part non négligeable de la rigidité structurelle du budget. Comment parler de réalisme budgétaire quand les arbitrages se font toujours au détriment des plus vulnérables ?
L’État affiche un volontarisme réformateur en matière de mobilisation des recettes, mais sans rupture claire avec les pratiques opaques passées. Chaque ministère est invité à identifier ses recettes et à s’engager sur des objectifs de performance. Mais sans mécanismes de sanction, ces engagements risquent de rester théoriques. De plus, l’administration fiscale peine à élargir l’assiette au-delà des entreprises formelles déjà surexploitées. La réforme de la fiscalité locale, pourtant essentielle dans Gabon 2050, reste au point mort.
Le budget 2026 aurait pu être l’occasion d’installer une nouvelle architecture de gestion publique fondée sur la reddition de comptes, la transparence et la participation citoyenne. Au lieu de cela, on assiste à un exercice classique de recentrage technocratique, sans réelle appropriation politique ni débat public. Le projet Gabon 2050 insiste sur la « transformation culturelle » de l’action publique. Mais comment y parvenir si les citoyens, les parlementaires et les acteurs locaux restent des spectateurs passifs du budget national ?
Il ne s’agit plus seulement de mieux dépenser, mais de dépenser autrement et collectivement. L’État doit faire un pas de plus : ouvrir les données budgétaires, publier les performances ministérielles, régionaliser les priorités, et associer la société civile au suivi. Le réalisme budgétaire ne doit pas être un habillage pour une austérité déguisée. Il doit être un levier pour reconstruire un contrat social solide, efficace et inclusif.