Le ministre des Comptes publics et de la Dette, Charles M’ba, a présenté, le 20 mars 2025, trois projets de loi devant la Commission des Finances de l’Assemblée nationale. Ces textes visent à ratifier des ordonnances prises lors de la dernière intersession parlementaire, permettant à l’État gabonais de contracter des emprunts internationaux pour financer des projets d’infrastructure. Au-delà de la validation juridique, ces textes soulèvent des questions sur la stratégie d’endettement du pays et la capacité de l’État à assurer une gestion efficace et transparente de ces financements.
Le premier projet de loi concerne un emprunt de 200 millions d’euros, soit environ 131,1 milliards de fcfa, contracté auprès d’Afreximbank. Ce financement est destiné à la construction de Libreville 2, un projet ambitieux visant à désengorger la capitale, ainsi qu’à la réalisation de logements sociaux et à la réhabilitation du réseau routier. Dans un contexte où les infrastructures restent un frein majeur au développement économique, cet emprunt s’inscrit dans la stratégie de diversification définie par le Plan national de développement pour la Transition (PNDT).
Toutefois, les députés ont relevé que le budget initial alloué à Libreville 2 pourrait être insuffisant pour couvrir l’ensemble des coûts, laissant entrevoir un possible besoin de financements additionnels. Ce constat rappelle des précédents où des projets d’envergure ont souffert de dépassements budgétaires ou d’exécution partielle faute d’un suivi rigoureux. Le deuxième projet de loi vise une réforme institutionnelle en modifiant la loi organique n°20/2024 relative aux lois de finances. Cette modification prévoit de transférer la compétence de signature des emprunts directs de l’État au ministre chargé de la Dette, renforçant ainsi la centralisation et la transparence dans la gestion des financements extérieurs.
En théorie, cette réforme devrait éviter la prolifération d’emprunts contractés sans coordination entre les différentes entités publiques. Désormais, tous les bailleurs de fonds devront informer ce ministère de tout financement accordé à des projets d’intérêt public. Cette mesure vise à éviter l’accumulation de dettes incontrôlées, mais son efficacité dépendra de la rigueur de son application et de la capacité du gouvernement à imposer une discipline budgétaire stricte.
Le troisième projet porte sur un emprunt de 98,3 milliards de fcfa auprès de Cargill Finance Services International, destiné au Programme d’urgence de développement communautaire (PUDC). Ce programme vise à financer des infrastructures de proximité pour améliorer les conditions de vie des populations, notamment en matière de routes, d’accès à l’eau et à l’électricité. Si l’objectif affiché est de répondre aux besoins urgents des communautés, l’exécution du PUDC nécessitera une transparence accrue pour garantir que les fonds atteignent réellement les projets prévus.
Dans un pays où les précédents programmes de développement ont parfois souffert d’une gestion opaque, les parlementaires ont insisté sur la nécessité d’un suivi rigoureux pour éviter les erreurs du passé et assurer une efficacité maximale de cet emprunt. Si ces trois projets de loi s’inscrivent dans une dynamique de modernisation des infrastructures et d’assainissement de la gestion de la dette, ils posent néanmoins la question de la viabilité de l’endettement du Gabon à moyen terme.
L’État doit non seulement s’assurer que ces emprunts sont utilisés efficacement, mais aussi qu’ils génèrent une croissance économique suffisante pour garantir leur remboursement. Dans un contexte économique marqué par des défis budgétaires et un accès parfois limité aux marchés financiers internationaux, la gestion rigoureuse de ces fonds sera déterminante pour éviter une aggravation du poids de la dette publique.