Le Gabon Economic Forum, clôturé le 8 juillet 2025, aura servi de tremplin à une annonce forte : celle d’un plan de financement de 10000 milliards de fcfa sur 7 ans pour porter la croissance économique nationale à au moins 10% par an. C’est le cap ambitieux fixé par le ministre d’État en charge de l’Économie, Henri-Claude Oyima, qui veut rompre avec la trajectoire modeste actuelle (2,5%) en misant sur une transformation structurelle de l’économie. L’objectif est de construire un modèle inclusif et souverain, à même de résorber le chômage, stabiliser l’inflation, et créer de la richesse durable.
Ce plan repose sur une mobilisation tous azimuts : État, secteur privé, partenaires techniques et financiers, Parlement et société civile. Pour Oyima, le défi est autant budgétaire que politique, il veut fédérer toutes les forces autour d’un agenda de réformes profondes, couvrant les secteurs prioritaires comme l’agriculture, les industries de transformation, les infrastructures et l’éducation. Le cap est clair, la vision affichée. Mais la question centrale reste entière. Comment mobiliser une telle somme dans un contexte de dette élevée et de déficits persistants ?
En effet, selon le dernier document de cadrage budgétaire 2026–2028, le Gabon ne dispose pas aujourd’hui de marges de manœuvre suffisantes pour supporter un tel volume d’investissement sans recours massif à l’endettement. Le pays affiche une dette publique de 8567 milliards de fcfa à mi-2025, et prévoit encore près de 590 milliards fcfa d’emprunts annuels sur les marchés intérieurs, avec un déficit budgétaire global attendu à -11,7% du PIB en 2028. Autrement dit, le pays est déjà en train d’acheter du temps à crédit, et cette trajectoire pèse lourdement sur la soutenabilité du plan annoncé.
Il faut également souligner que le taux d’exécution budgétaire en matière d’investissements reste dramatiquement bas : à peine 4,6% à fin mars 2025, selon les chiffres officiels. Ce chiffre interroge directement la capacité de l’administration à absorber efficacement de nouveaux financements. Lever des fonds est une chose. Les utiliser intelligemment en est une autre. La qualité des institutions, la réforme de la commande publique et le renforcement de la gouvernance seront des conditions indispensables au succès de ce programme, sous peine d’en faire une promesse de plus sans impact réel.
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L’ambition ne manque pas, mais le plan Oyima devra d’abord répondre à une question fondamentale : qui pilote, avec quelles garanties, et selon quel calendrier contraignant ? L’échec de précédents plans économiques au Gabon n’a jamais été lié à une absence de vision, mais bien à une incapacité chronique à prioriser, suivre, et corriger en temps réel. Si ce nouveau cap se limite à des déclarations symboliques, sans tableau de bord précis, ni mécanismes indépendants de contrôle, les 10000 milliards risquent de se dissoudre dans les failles de l’appareil administratif comme les 12000 milliards du PSGE.