Face à la polémique née de sa nomination en tant que ministre de l’Économie, des Finances et de la Dette publique, Henri-Claude Oyima a décidé de briser le silence ce vendredi 9 mai 2025, en marge de l’Assemblée générale ordinaire de la BGFIBank, groupe bancaire qu’il dirige depuis quarante ans. Répondant aux critiques sur le maintien de ses fonctions à la tête de la banque malgré son entrée au gouvernement, il a adopté un ton posé mais ferme.
Selon lui, il n’est pas question de quitter brusquement une institution qu’il a bâtie et structurée au fil des décennies. « On ne saute pas d’un avion en plein vol. Il faut amorcer un atterrissage progressif, maîtrisé », a-t-il déclaré. Au-delà de la forme, c’est bien le fond du problème qui alimente la controverse. Le cumul de fonctions d’Henri-Claude Oyima est explosif : en plus de diriger la BGFIBank, il préside également le Conseil d’administration de la Bourse des Valeurs Mobilières de l’Afrique Centrale (BVMAC). Ces responsabilités, déjà lourdes en elles-mêmes, impliquent un haut niveau d’éthique, de neutralité et de réserve. En devenant ministre en charge de la politique économique, budgétaire et financière du pays, Oyima concentre entre ses mains des leviers d’influence à la fois publics et privés.
Violation flagrante de la loi n°002/2003 du 7 mai 2023
Plus encore, cette situation constitue une violation manifeste de la législation gabonaise. La Loi n°002/2003 du 7 mai 2003, à son article 2, stipule clairement que tout agent public doit éviter toute situation où ses intérêts privés peuvent interférer avec ses fonctions. En cumulant une fonction ministérielle avec la direction d’une entité bancaire privée influente, Henri-Claude Oyima devient à la fois régulateur et régulé, arbitre et acteur, ce qui contrevient frontalement à ce principe. L’article 71 de la Constitution gabonaise, révisée en 2024, impose par ailleurs aux membres du gouvernement de s’abstenir de toute activité incompatible avec leurs charges, dans un souci de transparence et de probité.
Un signal inquiétant sur la persistance des pratiques de connivence
La nomination d’Oyima, sans rupture claire avec ses anciennes fonctions, envoie ainsi un signal inquiétant sur la persistance des pratiques de connivence entre sphères publique et privée. À l’échelle régionale, cette nomination embarrasse également la CEMAC. Le traité de cette communauté économique interdit explicitement à ses commissaires et responsables d’exercer une activité susceptible d’altérer leur impartialité ou de créer un conflit d’intérêts. En tant que président de la BVMAC, Henri-Claude Oyima représente une pièce maîtresse de l’architecture financière sous-régionale.
Accepter un poste ministériel dans un gouvernement membre, sans se départir de ses autres responsabilités, revient à piétiner l’éthique de gouvernance communautaire. Malgré les promesses d’une transition en douceur, aucune date officielle n’a été annoncée pour sa sortie de la BGFI. En attendant, les principes sont mis à rude épreuve, et le doute persiste sur la volonté réelle du pouvoir de rompre avec les arrangements entre copains et coquins.