Dans une économie où les goulots d’étranglement logistiques freinent le potentiel productif, la création du Fonds National pour les Infrastructures (FNI), annoncée comme « bras armé de la modernisation des infrastructures économiques et sociales » lors du dernier conseil des ministres, apparaît comme une initiative structurante. L’enjeu est d’en finir avec les projets fragmentés et les retards d’exécution qui caractérisent encore l’investissement public.
Selon le Rapport de la BAD, les bâtiments et travaux publics (BTP) ont enregistré une croissance exceptionnelle de 25,3 % en 2023, alors que le PIB global n’a progressé que de 2,3 %. Cette performance, largement alimentée par la commande publique, souligne la sensibilité du secteur à la disponibilité et à la régularité du financement. Pourtant, la part de l’investissement public dans le PIB reste insuffisante, autour de 3,5 %, alors que la BAD recommande un seuil de 6 % pour enclencher une transformation structurelle durable.
En créant un fonds dédié, le gouvernement entend sécuriser les flux financiers destinés aux infrastructures, tout en améliorant la lisibilité et la gouvernance des projets. Le Conseil des ministres a clairement inscrit cette réforme dans une logique de performance et de redevabilité. Le dispositif attendu devra inclure des mécanismes de sélection, de suivi et d’évaluation des projets, pour éviter les effets d’annonce non suivis d’exécution.
Le Fonds pourrait également devenir un levier de cofinancement. En effet, la faiblesse actuelle des réserves internationales – passées de 3,3 à 2,7 mois de couverture des importations entre 2022 et 2023 – limite l’accès aux financements extérieurs. La structuration d’un véhicule budgétaire crédible et transparent renforcerait l’attractivité du Gabon auprès des bailleurs et investisseurs.
La relance par les infrastructures doit néanmoins s’inscrire dans un cadre macroéconomique sain. Sans discipline budgétaire, le FNI risquerait d’alourdir la dette publique. Son efficacité dépendra donc de son articulation avec les autres réformes de gestion publique, notamment l’inventaire patrimonial et la numérisation de la dépense. L’enjeu dépasse la technique : il s’agit de doter le pays d’un outil de souveraineté économique.