Dans un monde en constante évolution, l’intelligence artificielle (IA) se positionne comme un acteur majeur dans l’univers du journalisme. C’est dans ce cadre que la commémoration de la Journée mondiale de la liberté de la presse 2025 a eu pour thème : « Informer dans un monde complexe – L’impact de l’intelligence artificielle sur la liberté de la presse et les médias ». En permettant de traiter de vastes quantités de données, elle offre aux rédactions une opportunité sans précédent de s’adapter aux fluctuations d’une information foisonnante. Toutefois, cette révolution technologique ne se limite pas à des bénéfices nets ; elle soulève également de nombreuses interrogations sur l’avenir de la liberté de la presse dans ce nouveau contexte pour les journalistes gabonais. 

L’adoption de l’IA dans les rédactions est multifacette

Par définition, l’intelligence artificielle (IA) désigne un ensemble de technologies capables de simuler des fonctions cognitives humaines telles que l’apprentissage, le raisonnement et l’interaction avec le langage. Dans le secteur de la presse, l’adoption de l’IA est multifacette. Les rédactions utilisent des logiciels d’analyse de données pour extraire des informations pertinentes des volumes massifs de données disponibles en ligne. Par exemple, des systèmes d’IA peuvent analyser les tendances des réseaux sociaux pour déterminer les sujets d’actualité les plus discutés. De plus, des outils de traitement du langage naturel permettent de générer des résumés d’articles, d’améliorer la rédaction en fournissant des suggestions stylistiques et grammaticales, et même de créer des articles basés sur des données brutes. Selon le journaliste et auteur Clay Shirky, “la capacité de synthétiser et de corréler facilement de grandes quantités d’informations est un atout majeur dans le journalisme moderne”.

L’IA doit donc être perçue comme un outil pouvant améliorer l’efficacité et la pertinence des informations diffusées par les médias. Les algorithmes d’analyse de données et les outils de traitement du langage naturel permettent aux journalistes de mieux cerner les attentes du public et de répondre à des dynamiques d’information en temps réel. Cependant, cet atout doit être manié avec précaution : lorsqu’une machine remplace le discernement humain, les risques de biais et de désinformation augmentent.

La balance entre avantages et dangers

Les bénéfices de l’IA dans le journalisme sont indiscutables. La rapidité avec laquelle elle peut analyser des documents et explorer des sentiments collectifs ou la création visuelle constitue un puissant levier d’engagement des lecteurs. Pourtant, les dangers qui accompagnent cette pratique sont tout aussi significatifs. L’automatisation risque de réduire les emplois au sein des rédactions, affaiblissant la diversité des voix qui est essentielle à une presse libre et pluraliste. La concentration du pouvoir entre les mains de quelques grandes entreprises technologiques accentue ce phénomène, posant un risque pour l’éthique et la diversité dans le paysage médiatique.

Par ailleurs, la capacité de l’IA à créer des contenus, qu’ils soient vrais ou faux, amène à questionner la véracité des informations diffusées. La manipulation de données et la création de contenus trompeurs ne sont pas des risques négligeables, notamment avec le deepfake qui est de plus en plus impressionnant de réalisme. Les médias doivent donc faire preuve de rigueur en intégrant ces technologies, pour contrer la menace de la désinformation qui peut saper la confiance du public.

Une déontologie à réinventer

Le recadrage de la déontologie et de l’éthique journalistique est primordial à l’ère de l’IA. Les biais algorithmiques peuvent orienter la production d’information d’une manière partisane, altérant ainsi la perception du public. Les préoccupations soulevées par des penseurs comme Neil Postman rappellent que, malgré les capacités impressionnantes de l’IA, il est vital d’encourager une analyse critique de l’information par le public. Si les journalistes ne gardent pas leur rôle de garants de la vérité, l’intégrité même des institutions médiatiques pourrait être compromise.

En parallèle, il est impératif de réfléchir aux futurs projets intégrant l’IA dans les médias. Des innovations telles que l’analyse prédictive pourraient ouvrir de nouvelles voies pour l’enquête journalistique. Toutefois, ces évolutions devront faire l’objet de formations adéquates soit par le ministère de la Communication et des Médias, soit par la Haute autorité de la communication (HAC), voir par les associations des professionnels de la presse, afin de sensibiliser les journalistes et leurs partenaires, non seulement aux technologies elles-mêmes, mais également aux implications éthiques et déontologiques qui en découlent.

Un avenir à construire collectivement

En somme, l’intelligence artificielle représente un défi et une opportunité pour le monde du journalisme. Les médias doivent développer des stratégies de formation afin d’exploiter les avantages de cette technologie tout en préservant les valeurs fondamentales de la liberté de la presse. Une approche collaborative entre techniciens, journalistes et éthiciens est indispensable pour construire un avenir où l’IA sert à enrichir l’information, plutôt qu’à la compromettre.

À l’aube de cette révolution technologique, il est crucial de naviguer avec prudence. Les journalistes, en s’assurant que la déontologie prime sur l’engouement technologique, peuvent non seulement préserver la liberté de la presse, mais également restaurer la confiance d’un public de plus en plus critique envers l’information qui lui est présentée.

Par Ferdinand Demba

Directeur de publication Inside News241