La décision rendue par la Cour internationale de justice (CIJ) le 19 mai 2025, attribuant l’île Mbanié à la Guinée équatoriale, constitue une défaite juridique à fort impact économique pour le Gabon. Bien que modeste par sa superficie, l’île offrait un accès stratégique à une zone maritime potentiellement riche en gisements offshore. Ces gisements, situés en eau peu profonde, présentaient l’avantage d’être techniquement plus accessibles et donc économiquement plus rentables. Pour un pays dont près de 60% des recettes budgétaires dépendent encore des hydrocarbures, cette perte reconfigure certains équilibres.
Au plan géoéconomique, Libreville se trouve désormais fragilisé face à une concurrence régionale active. Alors que Malabo consolide ses liens avec des compagnies comme Kosmos Energy ou Trident Energy, le Gabon peine à relancer ses campagnes d’exploration. Dans ce contexte, la perte de l’île Mbanié pourrait être perçue par les investisseurs comme un recul stratégique, voire un signe d’instabilité juridique et géopolitique, ce qui pourrait ralentir les négociations futures sur les blocs pétroliers.
Le gouvernement, dans un communiqué officiel, a néanmoins choisi une posture mesurée. « La Cour internationale de justice retient dans sa décision que seuls les titres juridiques détenus par la France en 1960 et par l’Espagne en 1968, transmis par voie de succession au moment des indépendances, font foi en matière de souveraineté territoriale », souligne-t-il. Il reconnaît par ailleurs que « la Cour reconnaît clairement la souveraineté territoriale du Gabon sur les zones d’Ebibiyine et de Mongomo », tout en relevant que l’île Mbanié, bien que reconnue équato-guinéenne, « se situe dans les eaux territoriales gabonaises ».
Ce choix diplomatique traduit une forme de réalisme géopolitique, mais souligne aussi l’urgence d’une réflexion plus large sur la souveraineté énergétique. La dépendance à l’or noir reste structurellement élevée, alors que les marges de manœuvre fiscales du pays se resserrent. Avec une croissance prévue à seulement 2,6% en 2025, la moindre baisse de production pétrolière non compensée peut générer des tensions budgétaires importantes.
Face à cette nouvelle donne, Libreville pourrait faire de cette décision un levier de transformation. Une réorientation vers le gaz naturel, les biocarburants ou encore une révision stratégique des conventions fiscales et des mécanismes de partage de production pourrait ouvrir une nouvelle ère. « Le gouvernement réaffirme l’attachement profond du Gabon aux principes de bon voisinage, de coopération régionale et de fraternité entre les peuples », conclut le communiqué, laissant entrevoir une volonté de reconstruire sa souveraineté énergétique sur des bases plus durables et diversifiées.