En moins d’un an, deux entreprises locales jusqu’alors quasi inconnues ont décroché plusieurs Contrats d’exploration et de partage de production (CEPP) avec l’État gabonais, s’imposant soudainement comme des acteurs majeurs du secteur pétrolier national. Komo ressources froup (Koreg) a signé en février 2025 pour les blocs EF-7 et POMOK, tandis que Business Oil Africa (BOA) a obtenu en octobre 2024 les blocs Konzi et CD4, situés en offshore nord. Officiellement, ces contrats marquent une avancée historique vers une plus grande implication des entreprises locales dans l’exploitation des ressources nationales. Mais leur attribution soulève des interrogations : comment ces sociétés, dont on ne parlait presque pas il y a quelques années, sont-elles soudainement devenues incontournables ?
Si Koreg reste une entité très discrète sur son historique et sa structuration financière, Business Oil Africa, elle, est dirigée par quelqu’un qui porte un nom bien connu des Gabonais : Omar Bongo Ondimba Andjoua. Une filiation qui pose immédiatement la question des réseaux et des influences ayant permis l’ascension fulgurante de cette entreprise. BOA a ainsi récupéré le champ Konzi, un site déjà équipé mais laissé en sommeil par un ancien opérateur. Un contexte idéal pour un acteur émergent, qui n’a pas eu à investir dans des infrastructures lourdes et a simplement pris la relève. De son côté, Koreg a obtenu en avril 2024 un premier CEPP pour le champ « Autour », un site découvert en 1987 mais resté inexploité pendant des décennies. En moins d’un an, elle a ensuite réussi à doubler la mise avec deux nouveaux contrats sur les blocs EF-7 et POMOK.
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Ces coïncidences interrogent sur la réelle légitimité de ces entreprises. Pourquoi ces deux sociétés ont-elles été privilégiées au détriment d’opérateurs nationaux plus anciens et expérimentés ? Quels critères ont justifié leur sélection alors que leurs antécédents dans le secteur sont flous voire inexistants ? Le ministre du Pétrole, Marcel Abéké, justifie ces choix en expliquant qu’il s’agit « d’encourager les entreprises gabonaises à investir dans l’exploration ». Mais à y regarder de plus près, il ne s’agit pas de nouvelles entreprises dynamiques issues du tissu entrepreneurial local, mais de structures récemment apparues, sans véritable traçabilité, bénéficiant de contrats particulièrement avantageux.
Le schéma qui se dessine est plutôt troublant : des sociétés sans historique industriel connu, décrochent des blocs stratégiques, avec des facilités rarement accordées aux opérateurs nationaux indépendants. S’agit-il d’une réelle volonté de souveraineté énergétique ou d’une réallocation discrète des ressources nationales vers des intérêts privés bien connectés ? Si Koreg et BOA avaient réellement les compétences techniques et financières pour mener ces projets, pourquoi leur émergence a-t-elle été aussi soudaine ? Pourquoi leurs structures et leurs partenariats restent-ils aussi opaques ?
Ce qui doit être une avancée pour l’industrie pétrolière gabonaise ressemble au final de plus en plus à une répartition d’actifs sous couvert de nationalisme économique. En officialisant Koreg et BOA comme nouveaux champions locaux, le gouvernement met en avant une prétendue dynamique de relocalisation du secteur, tout en évitant soigneusement de clarifier l’origine et la solidité de ces entreprises. Si leur mission est réellement de servir les intérêts du pays, alors leur transparence et leur performance parleront d’elles-mêmes. Mais si elles ne sont que des véhicules opportunistes, le voile finira par se lever, et la souveraineté tant vantée ne sera qu’une illusion.