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Référendum 2024 : une réforme vers la concentration du pouvoir à l’image du Soudan, de l’Érythrée et de la Guinée ?

le coup de coeur

Le Gabon est actuellement à un tournant décisif de son histoire. Alors que se déroule un référendum qui pourrait faire du président également le premier ministre, le pays risque de rejoindre des régimes autoritaires où la séparation des pouvoirs est largement ignorée, comme au Soudan, en Érythrée ou en Guinée. Si le « Oui » l’emporte, le Gabon s’inscrira dans une trajectoire politique qui éloigne le pays des principes démocratiques et pluralistes au profit d’une concentration excessive du pouvoir exécutif. Plutôt que d’ouvrir la voie à une gouvernance plus inclusive et participative, cette réforme semble marquer un recul vers des pratiques politiques dominées par une seule personne, à l’image des régimes autoritaires africains.

Que disait la Constitution de 1991 ?

La Constitution de 1961 du Gabon n’était pas uniquement marquée par une séparation partielle des pouvoirs, mais bien par un système qui permettait déjà au président de cumuler de nombreuses fonctions exécutives, y compris celles qui sont traditionnellement attribuées à un premier ministre. Cette constitution, qui a régulé le fonctionnement de l’État pendant plusieurs décennies, accordait au président un pouvoir centralisé tout en attribuant au premier ministre un rôle subordonné. L’article 8 de cette constitution disposait que le président de la République était « assisté de vice-présidents du gouvernement, qu’il nomme et qui exercent en son nom les pouvoirs qu’il leur délègue », et qui étaient donc responsables devant lui. Cette architecture visait à renforcer la prééminence du président, et non à établir une réelle séparation entre les deux fonctions exécutives.

Vers une consolidation de cette position ?

63 ans plus tard, la réforme envisagée dans le cadre du référendum semble vouloir consolider cette logique centralisatrice, qui place le président au cœur de la gouvernance du pays, et ce, de manière encore plus évidente. Si la fonction de premier ministre disparaît, le président deviendra l’alpha et l’oméga du pouvoir exécutif, avec un contrôle direct sur l’ensemble de la politique gouvernementale. Ce modèle de concentration du pouvoir est peu propice à une gouvernance ouverte et pluraliste. Au contraire, il fait écho à des régimes autoritaires où le président détient tous les leviers du pouvoir et où la démocratie est mise à mal. L’exemple d’Omar Bongo, dont l’héritage a longtemps imprégné la politique gabonaise, démontre comment une telle concentration du pouvoir peut étouffer toute forme de contre-pouvoir et de débat démocratique.

Une logique de « Toute-puissance »

Au lieu de renforcer les institutions et de promouvoir un cadre démocratique plus inclusif, cette réforme semble renforcer une logique de toute-puissance présidentielle. L’idée d’un «Brice Tout Puissant», succédant à Omar Bongo, n’est pas une simple conjecture : il s’agit d’un retour à un système où le président devient l’unique décideur de la politique intérieure et extérieure, sans les contrepoids qui pourraient provenir d’un gouvernement ou d’une assemblée indépendante. Ce projet de réforme risque ainsi de rétablir une situation où le débat politique est limité et où la gestion des affaires publiques se résume à une seule volonté, celle du chef de l’État.

Quid des enjeux économiques ?

Un autre aspect préoccupant de cette réforme est qu’elle semble ignorer les véritables enjeux auxquels le Gabon fait face, notamment en matière économique et sociale. En effet, le texte révisé mentionne le rôle du président pas moins de 43 fois, mais ne propose aucune solution concrète aux défis économiques pressants du pays. Le Gabon souffre depuis plusieurs années de la volatilité de ses ressources naturelles, d’un chômage élevé, et de déficits dans les secteurs clé comme l’éducation, la santé et l’infrastructure. Cependant, ces questions cruciales sont largement mises de côté, au profit d’une réforme qui ne s’attaque pas aux racines du mal économique et social. Au lieu de se concentrer sur la gouvernance économique, cette révision semble davantage orientée vers la consolidation de la position du président, sans aborder de manière sérieuse les réformes nécessaires pour le bien-être des Gabonais.

« Présidentialisme absolu »

Ce projet de réforme, en se concentrant exclusivement sur la consolidation des pouvoirs du président, risque de fragiliser la dynamique démocratique du pays. L’absence de débat sur la redistribution des pouvoirs et sur les moyens de répondre aux défis économiques laisse entrevoir une régression politique. La gouvernance gabonaise semble s’éloigner des pratiques démocratiques modernes en cherchant à rétablir une structure où un seul homme détient l’essentiel du pouvoir. Au lieu d’encourager la participation active des citoyens et de renforcer les mécanismes de contrôle et de contre-pouvoir, cette révision constitutionnelle instaure une forme de «présidentialisme absolu», où toute opposition politique se voit réduite à une simple formalité.

En ce début de XXIe siècle, le Gabon semble se diriger vers une concentration du pouvoir à l’image de certains régimes autoritaires du continent, renonçant à la séparation des pouvoirs et à une gestion plus ouverte et transparente des affaires publiques. Si le pays veut véritablement avancer et offrir à ses citoyens une gouvernance plus juste et plus équitable, il devra réorienter ses priorités. La vraie réforme pour le Gabon devrait porter sur l’économie, la justice sociale et le renforcement de l’État de droit, et non sur la concentration des pouvoirs entre les mains d’une seule personne.

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