Le Sénégal change de cap sur la fiscalité télécom. L’Assemblée nationale a validé le 18 septembre une réforme qui met fin aux exonérations sur les équipements importés, dont les téléphones portables. Objectif officiel : aligner la fiscalité nationale sur le Tarif extérieur commun de la CEDEAO et renforcer les recettes de l’État. Concrètement, chaque téléphone importé coûtera plus cher, et la facture pourrait rapidement peser sur les consommateurs.
Le gouvernement justifie cette décision par la nécessité d’équilibrer un budget sous tension. Depuis 2008, les exonérations avaient permis de démocratiser l’accès aux télécoms et de stimuler la pénétration du mobile. Mais aujourd’hui, le Sénégal veut transformer le secteur en levier fiscal, quitte à ralentir légèrement la croissance du marché. Certains députés craignent que cette hausse frappe surtout les consommateurs et les jeunes, premiers utilisateurs des services digitaux.
La mesure divise l’opinion. Si elle devrait renforcer les recettes internes, plusieurs députés craignent qu’elle ne freine l’inclusion numérique. Une hausse des prix des téléphones et équipements pourrait ralentir la pénétration du mobile, principal levier d’accès aux services financiers, éducatifs et administratifs au Sénégal. Certains parlementaires estiment qu’il aurait fallu cibler davantage les opérateurs télécoms, capables selon eux d’absorber une partie du choc fiscal sans en reporter l’intégralité sur les usagers.
Début 2025, le Sénégal comptait 22,7 millions de connexions mobiles actives et 11,3 millions d’utilisateurs d’Internet mobile, soit un taux de pénétration de 60,6% selon DataReportal. Ce dynamisme illustre l’importance du digital dans la transformation économique et sociale du pays. Une fiscalité trop lourde sur les équipements pourrait cependant brider cette croissance et accentuer la fracture numérique entre zones urbaines et rurales.
Au Gabon, la question de la fiscalité télécoms est tout aussi sensible. Le secteur y est déjà soumis à plusieurs redevances, notamment sur le trafic international entrant. Mais contrairement au Sénégal, Libreville a jusqu’ici privilégié une stabilité fiscale pour ne pas freiner la progression de l’Internet mobile, qui demeure la principale porte d’entrée vers le numérique. Avec un taux de pénétration autour de 54%, le pays cherche à étendre l’accès au haut débit, notamment via la 4G et bientôt la 5G. L’expérience sénégalaise pourrait donc inspirer ou inquiéter : faut-il taxer davantage pour renflouer les caisses publiques, au risque de compromettre l’inclusion numérique ?