500 millions de fcfa. C’est le montant que le président de la transition, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, a décidé d’allouer à la presse écrite et en ligne privée. Un geste censé soulager un secteur en difficulté qui a perçu à peine 127 millions en 2024, résultat de l’action de l’ancien régime. Mais au lieu de toucher l’intégralité de cette somme rehaussée par le CTRI, les médias se retrouvent avec “une coupe nette de 25% opérée en toute discrétion par les ministères de la Communication et du Budget”, rappelle Guy Pierre Biteghe, directeur de publication du Mbandja, lors d’un point de presse donné ce mercredi 19 février. Et comme si cela ne suffisait pas, des présidents d’associations de la presse se seraient prêtés au jeu, validant cette manœuvre qui suscite aujourd’hui colère et indignation dans les rédactions. « Si ce n’est pas du détournement, ça y ressemble », s’indigne Guy Pierre Biteghe, en dénonçant un véritable scandale.
« 122 millions fcfa de perdiems »
Pour le directeur de publication du jurnal Le Mbandja, le scénario est bien simple. Pour justifier le prélèvement, le ministère de la Communication aurait mis en avant la nécessité d’une commission chargée de la répartition de la subvention. Coût de l’opération ? 42 millions de fcfa, selon le directeur de publication du Mbandja. Une somme qui serait destinée “à financer les “travaux” des commissaires, comprenant des représentants du ministère, de la Haute autorité de la communication (HAC), mais aussi de l’Unesco et de l’OIF”. En somme, 42 millions de fcfa de perdiems pour ce petit conglomérat, renchérit-il.
Ajouté à cela 80 millions de fcfa qui auraient été directement prélevés par le ministère du Budget sous prétexte d’une “réserve obligatoire”. Résultat : seuls 397 millions de fcfa seront effectivement redistribués aux médias privés, alors que l’intégralité des 500 millions aurait dû leur revenir. « Le gouvernement, sans la moindre pudeur ou indécence, a décidé de prendre par la main gauche ce que le président de la République nous a donné par la main droite », fustige Guy Pierre Biteghe, soulignant l’absurdité de cette ponction.
Des patrons d’organisations de presse complices
Si le gouvernement a osé ce tour de passe-passe, c’est aussi parce qu’il a bénéficié de l’aval de certains responsables d’associations de la presse. Lors d’une réunion tenue le 27 janvier 2025, ces derniers auraient donné quitus au ministère pour ponctionner la subvention. En clair, ils ont validé le fait que l’État se serve avant de distribuer. Un véritable coup de poignard dans le dos des journalistes indépendants qui luttent pour leur survie. « L’acte grave qu’ils ont posé est, à mes yeux, ni plus ni moins que de la traîtrise », s’insurge encore Guy Pierre Biteghe, qui affirme s’être désolidarisé de cette décision, lui dont le média est membre de l’Organisation patronale des médias (Opam). Comment expliquer qu’une aide censée être une bouffée d’oxygène soit amputée au passage par ceux-là mêmes qui prétendent défendre la profession ?
Avant 2025, la répartition des subventions était plus transparente, même si le montant était moins important (127 millions de fcfa). L’attribution se faisait en public, sur la base de critères clairs et définis, évitant ainsi les frustrations et les arrangements en coulisses. Mais cette année, le ministère a jugé bon de réinventer la roue, mettant en place une commission dont le seul véritable rôle semble être de justifier “un détournement institutionnalisé”, selon Guy Pierre Biteghe . 42 millions pour des perdiem et des primes d’astreinte à des fonctionnaires qui, rappelle le directeur de publication du Mbandja, sont déjà payés chaque mois pour faire leur travail.
Un principe acté ?
Si cette pratique passe sans opposition forte, elle risque de devenir la norme. Demain, on pourrait voir le même stratagème appliqué aux subventions des partis politiques, aux aides aux associations de jeunesse, aux financements du sport. Une fois le principe acté, plus personne ne pourra s’opposer à ces ponctions déguisées en “frais de gestion”, insiste Guy Pierre Biteghe.
Le message envoyé aux journalistes est clair : même l’argent qui leur est destiné ne leur appartient pas totalement. Aujourd’hui, c’est la crédibilité même de la presse qui est en jeu. Si elle ne se lève pas pour dénoncer cette supercherie, elle risque de voir son indépendance se faire grignoter par des intérêts bureaucratiques et clientélistes. La presse privée peut-elle accepter d’être muselée par ceux qui prétendent l’aider ?