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Suppression des bourses : quand l’État sacrifie les boursiers pour «réduire les dépenses publiques» 

le coup de coeur

Lors d’une rencontre avec la diaspora gabonaise à Washington, le 9 juillet 2025, le président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, a annoncé une mesure choc : la suspension dès 2026 des bourses d’études accordées aux étudiants gabonais envoyés aux États-Unis, en France et au Canada. Justifiée par le coût élevé des formations dans ces pays et la constatation que « ceux qui partent ne reviennent jamais », cette décision vise à réduire les dépenses publiques tout en recentrant les bourses vers des destinations africaines. Cette annonce suscite de vives inquiétudes, car elle semble symbolique plus qu’efficace face aux vrais défis budgétaires du pays.

Selon le président de la République, « cette année, il n’y aura pas de bourses pour les États-Unis, ni pour le Canada, parce que les études y coûtent cher ». Pourtant, en chiffres, les économies réalisées en supprimant les bourses vers ces pays ne dépasseraient pas 22 à 30 milliards de fcfa, soit moins de 1% des dépenses totales du budget national. Cette somme paraît dérisoire comparée aux autres postes budgétaires. Supprimer ces bourses revient donc à faire un geste symbolique, presque cosmétique, face aux besoins structurels de financement de l’État.

Une vue des Gabonais résidents aux États-Unis lors de la rencontre avec le président de la République Brice Clotaire Oligui Nguema. © D.R.

Brice Clotaire Oligui Nguema souligne la nécessité d’un « patriotisme économique », mais paradoxalement, l’État préfère consacrer plus de 32 milliards de fcfa aux élections locales et législatives prévues en 2025 selon la loi de finances, un montant qui efface virtuellement toute économie liée à la suppression des bourses. Ce choix budgétaire illustre une préférence politique claire : assurer la stabilité institutionnelle et le contrôle du pouvoir plutôt que d’investir dans l’avenir des jeunes diplômés, souvent perçus comme des acteurs clés du développement.

Cependant, pour le leader du parti politique Ensemble pour le Gabon, Alain-Claude Bilie-By-Nze, l’État ne regarde pas du bon côté pour réduire son train de vie. « Chercher à réduire le train de vie de l’État en tapant toujours sur les plus faibles n’est ni social, ni démocratique. Ainsi en est-il de l’idée de supprimer la bourse pour des étudiants gabonais aux USA, au Canada et en France. Première étape ? », a-t-il lancé.

Alors qu’Oligui Nguema justifie la suppression par « ceux qui partent ne reviennent jamais », d’autres secteurs moins prioritaires restent intacts. Par exemple, la communication gouvernementale absorbe 45,6 milliards de fcfa, et des agences parapubliques continuent de bénéficier de budgets sans transparence. Ces choix laissent penser que la réforme est davantage un message politique que le fruit d’une gestion budgétaire rigoureuse.

Par ailleurs, Oligui Nguema reconnaît qu’il s’agit d’une mesure pour « mieux répondre aux besoins nationaux », en relocalisant la formation en Afrique. Mais l’absence de dispositifs concrets pour l’insertion professionnelle au Gabon laisse craindre que la réforme soit inefficace. Avec un taux de chômage des jeunes diplômés dépassant 50%, la suppression des bourses sans création d’emplois qualifiés risque de transformer les jeunes diplômés en « chauffeurs de taxi » ou agents précaires, dévalorisant leur formation.

La déclaration du président de la République : « À quoi bon financer des formations pour des étudiants qui ne rentrent pas servir leur pays ? » reflète une vision pragmatique mais réductrice. Dans un monde globalisé, un État qui ferme les portes de la connaissance perd sa capacité d’influence. Au lieu de sacrifier une élite silencieuse, le Gabon gagnerait à encourager sa diaspora et à valoriser ses talents, indispensables à son développement futur. Mais surtout à réduire le train de vie de l’État en commençant par supprimer ces primes exceptionnelles, ces missions ou voyages inutiles, tout en réduisant les salaires des ministres et autres hauts responsables de l’administration publique. 

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