Le Gabon traverse une période critique et transformatrice de son histoire politique, caractérisée par d’intenses débats autour de la constitution de la nation en cette phase de transition. La présentation récente d’un projet de Constitution de 194 articles a généré de fortes réactions, notamment sous la forme de plus de 800 amendements de la part des membres des deux chambres du Parlement, rassemblés en Assemblée constituante. Cette situation pose une question essentielle : le projet de nouvelle Constitution est-il un boulet aux initiatives de l’Exécutif ou représente-t-il un rejet manifeste par des parlementaires cherchant à aligner les structures législatives sur les aspirations réelles du peuple gabonais ?
Prévus pour une durée de dix jours, les rideaux se sont refermés définitivement ce 23 septembre 2024 sur les travaux de l’examen de l’avant-projet de la nouvelle constitution de la République gabonaise au Palais Léon MBA, conformément au décret n°0359/PT-PR/MRI portant convocation d’une réunion du parlement en Assemblée Constituante, la première de l’ère post-indépendance de notre pays. Ainsi, du 12 au 22 septembre 2024, les parlementaires des deux chambres ont examiné au fond les contours des 194 articles de la nouvelle loi fondamentale soumise à leur approbation.
Constitution : base de la démocratie et miroir des aspirations du peuple
En théorie, une Constitution n’est rien de moins que le socle sur lequel repose toute démocratie. Elle est censée garantir les droits et libertés des citoyens tout en établissant les limites de l’autorité étatique. Sa rédaction devrait être un processus inclusif, intégrant un éventail diversifié d’opinions afin de représenter véritablement les aspirations du peuple. Dans le cas du Gabon, cependant, le processus semble avoir été largement contrôlé par l’Exécutif, ignorant de manière significative les débats contradictoires et les voix périphériques.

L’apparition de 800 amendements, dans ce qui devrait être un cadre central de renégociation constitutionnelle, illustre un profond mécontentement parmi les parlementaires. Ce déluge de modifications proposées peut être interprété comme une remise en question de la légitimité du texte initial. Si un projet aussi concis suscite une telle controverse, cela pose la question de sa crédibilité et de sa capacité à représenter un consensus national.
Un simulacre de débat démocratique ?
Ce processus qui a réuni les chambres du Parlement en une Assemblée Constituante devait être l’apogée d’un débat démocratique. Cependant, le dépôt massif d’amendements par les parlementaires montre leur désenchantement face à une procédure perçue comme manquant de transparence et de représentation, même si officiellement ils ne se sont pas prononcé sur ce sujet. Il semble que ces législateurs, eux-mêmes nommés par le président de la Transition, sont contraints de manifester une dissociation notable des décisions prises par le sommet de l’État. Si une Assemblée dite « Constituante » ne reflète pas sincèrement les intérêts du peuple, sa légitimité est mise en doute, et elle dévoile un dysfonctionnement politique intrinsèque. D’où les 800 amendements sur les 194 articles présentés par le Comité constitutionnel.

Le climat politique actuel suggère une fracture profonde entre les représentants supposés du peuple et ceux de l’Exécutif. Cela s’apparente à un dysfonctionnement politique majeur, où les intérêts de l’État et du peuple semblent déconnectés. Les raisons de cette dissonance pourraient être multiples, allant de la pression internationale pour la réforme, jusqu’à une incertitude politique endémique à l’intérieur du pays.
Perspectives du gouvernement et conséquences
Du point de vue gouvernemental, cet énorme flot d’amendements pourrait être ressenti comme un revers sévère, remettant en cause la crédibilité des autorités qui ont promu ce projet. Un texte constitutionnel doit incarner un consensus et refléter une unité nationale ; pourtant, ce projet semble avoir exacerbée les divisions au sein de l’opinion nationale. Ce rejet implicite d’une frange de la population symbolise une perte de confiance fondamentale envers un Exécutif qui doit maintenant s’interroger sérieusement sur sa capacité à rassembler et représenter les intérêts de la nation.
Face à une telle quantité de critiques, il devient vital pour le gouvernement non seulement de réévaluer le texte proposé mais aussi de repenser sa stratégie d’implication dans le processus de transition. Pour restaurer la confiance, l’Exécutif gabonais doit impérativement s’engager dans un dialogue constructif qui encourage la participation authentique de toutes les parties concernées. C’est dans cet espace d’échanges véritables que se bâtira un projet constitutionnel qui sera à la fois inclusif et représentatif.
Réévaluation et opportunité
La situation présente au Gabon doit être vue comme une opportunité pour un renouveau constitutionnel. Les 800 amendements, loin d’être une simple critique, doivent être considérés comme une ouverture vers davantage de consultation et de concertation. Les parlementaires, bien qu’en désaccord sur un certains nombre de points, offrent un cadre pour reformuler un projet plus aligné avec les besoins et attentes du peuple. En direction vers un espace d’échanges où la diversité des voix pourrait s’exprimer, le Gabon peut chercher à établir une base constitutionnelle solide et consensuelle.

La période actuelle de transition doit être l’occasion de réévaluer en profondeur le projet actuel. Le processus doit aller au-delà des simples formalités et aborder des problématiques essentielles qui concernent tous les citoyens gabonais. La démarche exige une sincère ouverture d’esprit et un engagement en faveur d’un véritable changement.
Le rôle de l’avenir : transformer la crise en opportunité
Essentiellement, les plus de 800 amendements posés à l’encontre d’un projet de Constitution de 194 articles ne sont pas simplement une critique d’un processus politique imparfait au Gabon, mais un signe des besoins profonds pour un engagement parlementaire qui retrouve sa vocation première : être le reflet fidèle des aspirations populaires. La crise actuelle doit servir de catalyseur pour rétablir la confiance entre les institutions et le peuple, tout en engageant des consultations authentiques.
Pour transformer cette crise en occasion bénéfique, il est impératif de revitaliser le dialogue social et politique. Les acteurs politiques, en embrassant cette opportunité, peuvent rediriger leur énergie vers des réformes structurées qui renforcent la légitimité institutionnelle, tout en veillant à ce que la nouvelle Constitution devienne un document de consensus, renfermant la volonté collective de tous les Gabonais — non seulement en tant que cadre juridique, mais en tant que véritable reflet de leurs aspirations partagées.
Pour une nouvelle ère constitutionnelle au Gabon
En fin de compte, l’actuelle épreuve constitutionnelle du Gabon peut, et doit, être le prélude à une ère plus démocratique et unifiée. Une Constitution ne doit pas seulement être un ensemble de règles juridiques ; elle doit constituer le miroir des aspirations collectives d’une nation. Pour réaliser cela, le Gabon doit ériger un cadre solide, où tous les citoyens se sentent inclus et représentés.
Il est essentiel que tous les acteurs impliqués reconnaissent le potentiel transformateur de leur participation. La voie vers l’avenir doit être pavée de consultations et de dialogues authentiques, animés non par des intérêts partisans, mais par un engagement sincère envers le bien de tous les Gabonais. Ainsi, la nation pourra sortir plus forte et plus unie de ce passage difficile, posant les fondements d’un avenir plus prometteur et stable pour le Gabon et les générations futures.