Le président de la transition au Gabon, Brice Clotaire Oligui Nguéma, cherche à renforcer son influence sur la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) en surveillant de plus près l’action des représentants gabonais au sein de l’institution. Dans cette optique, il a récemment nommé son conseiller spécial, Franck Yann Koubdje, comme administrateur de la banque centrale. Mais un enjeu majeur reste en suspens : la désignation du futur directeur général de l’exploitation, un poste clé qui revient actuellement au Gabon et dont l’occupation pourrait être déterminante pour les équilibres internes de la BEAC et les intérêts du pays.
La BEAC est un levier stratégique pour les États de la zone CEMAC, et chaque nomination à ses postes de direction obéit à une répartition délicate entre les six pays membres. Pour Libreville, il s’agit non seulement de préserver son influence, mais aussi d’assurer que les décisions monétaires et financières prises à N’Djamena, où siège l’institution, ne se fassent pas au détriment de ses intérêts. Le choix du futur directeur général de l’exploitation sera donc un test important pour la capacité d’Oligui Nguéma à peser sur les grandes orientations de la banque centrale.
L’ombre des réseaux de l’ère Bongo
Toutefois, la nomination de Franck Yann Koubje suscite déjà la controverse. Ce banquier, proche du président de la transition, traîne une réputation entachée en raison de ses liens étroits avec la « Young Team », le cercle d’influence dirigé par Noureddine Bongo, fils de l’ex-président Ali Bongo, aujourd’hui en détention. Cette proximité avec l’ancien régime jette le doute sur la volonté réelle de rupture affichée par Oligui Nguéma. L’ombre des réseaux de l’ère Bongo plane encore sur certaines nominations, et celle du prochain directeur général de l’exploitation ne fera pas exception.
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Ce renforcement du contrôle sur la BEAC intervient dans un contexte économique difficile pour le Gabon. Le pays, confronté à une croissance atone de 2,6 % en 2025, doit gérer une masse salariale en forte hausse, atteignant 825,3 milliards de fcfa, et des dépenses publiques jugées peu orthodoxes. Alors que les intérêts sur la dette extérieure chutent de 48 milliards de fcfa et que les remboursements aux banques commerciales diminuent de 4,5 milliards de fcfa, les choix budgétaires du gouvernement suscitent des interrogations. Dans ce cadre, le contrôle de la politique monétaire et financière régionale apparaît comme un enjeu stratégique pour Oligui Nguéma, qui cherche à asseoir son pouvoir tout en naviguant entre nécessité de réformes et maintien de certaines pratiques héritées du passé.
Le président de la transition se retrouve ainsi face à un choix déterminant. Optera-t-il pour un profil technique et consensuel, capable de rassurer les partenaires régionaux, ou confiera-t-il ce poste stratégique à un fidèle dont la nomination pourrait relancer les soupçons de continuité avec l’ancien système ? La réponse à cette question ne se limitera pas à la BEAC : elle enverra un signal clair sur la trajectoire que le régime de transition entend réellement suivre.