Malgré l’ambition affichée, la création de ces cinq nouveaux Fonds publics s’inscrit dans un paysage institutionnel souvent marqué par des difficultés récurrentes. Nombre de structures similaires par le passé ont souffert de lenteurs administratives, de chevauchements de compétences et d’un pilotage stratégique faible, compromettant leur efficacité. Ces défis risquent de se reproduire si des réformes de fond ne sont pas engagées.
La gouvernance de ces Fonds, bien que pensée avec des organes de contrôle et d’orientation, devra s’extraire des logiques politiciennes et clientélistes. Le risque est réel de voir ces structures utilisées pour caser des proches ou multiplier les postes inutiles, au détriment de leur mission première. La technicité des secteurs concernés appelle une gestion rigoureuse et des compétences spécialisées souvent absentes dans l’appareil public.
Sur le plan financier, l’enjeu du financement durable reste entier. La mobilisation des ressources internes et externes, dans un contexte de tension budgétaire et de dépendance aux revenus pétroliers, pourrait limiter leur champ d’action. Plusieurs initiatives de développement antérieures ont échoué faute de financements pérennes ou de partenariats solides avec le secteur privé.
À cela s’ajoute une capacité d’absorption technique faible. La conduite de projets complexes, comme ceux liés aux infrastructures ou à la transition énergétique, nécessite une ingénierie administrative et une planification stratégique que beaucoup d’entités publiques n’ont pas encore. Les retards, les sous-exécutions budgétaires et la mauvaise qualité des livrables sont des maux bien connus au Gabon.
Par ailleurs, de nombreux précédents invitent à la prudence. Le Fonds national d’aide sociale (FNAS), par exemple, censé venir en aide aux plus vulnérables, a longtemps été embourbé dans une gestion opaque et politisée. L’Agence de développement de l’agriculture (ADAG), lancée avec fracas en 2011 pour porter la politique GRAINE, s’est progressivement vidée de sa substance, faute de coordination, de suivi des projets et d’ancrage réel dans les territoires. Quant à la Banque gabonaise de développement (BGD), elle a sombré sous le poids des dettes et de la mauvaise gouvernance.
La création de ces Fonds stratégiques pourrait représenter une avancée majeure si elle s’accompagne d’un changement de culture managériale, d’un renforcement des capacités humaines et d’un réel engagement politique en faveur de l’efficacité. Sans cela, ces Fonds risquent de rejoindre la longue liste des structures budgétivores, sans impact tangible pour la population.