Le gouvernement gabonais a décidé de suspendre le contrat signé entre la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG) et l’entreprise turque Karpowership, suite à des irrégularités présumées dans sa mise en œuvre. La Direction générale de l’énergie (DGE) a officiellement informé la société turque de cette décision le 22 novembre 2024, évoquant des « insuffisances notables » dans le projet. Une conclusion logique au regard des nombreuses irrégularités constatés dans le contrat conclu entre l’Etat, la SEEG et l’opérateur Turque.
Arnaud Engandji, Conseiller spécial du président de la Transition en charge du Département Énergie, a annoncé qu’une enquête approfondie serait conduite par une commission spéciale pour évaluer la viabilité et la légalité de cet accord. Ce projet controversé, basé sur une centrale-navire au large de Libreville, prévoyait la vente d’électricité à 123 fcfa/kWh, soit plus du double des tarifs actuels pratiqués par la SEEG (55 fcfa/kWh). Cette augmentation des coûts était perçue comme un risque majeur pour une entreprise déjà confrontée à un endettement élevé.
Karpowership, pas à son coup d’essai
Karpowership, filiale de Karadeniz Holding, est spécialisée dans les centrales flottantes pour la production d’électricité. Toutefois, son nom a été associé à plusieurs scandales internationaux. En Afrique du Sud, des allégations de corruption ont entaché un appel d’offres dans lequel la société était retenue comme fournisseur d’énergie d’urgence, alimentant des débats sur le manque de transparence dans le processus. Au Pakistan, un projet similaire a conduit à des accusations de corruption et à l’annulation d’un contrat par la Cour suprême en 2012. L’affaire a abouti à une condamnation de l’État pakistanais à payer 846 millions de dollars à Karpowership, une décision ultérieurement contestée suite à la découverte d’une « chaîne de pots-de-vin » impliquant des transferts bancaires suspects.
Les scandales récurrents de la SEEG
De l’autre côté, au Gabon, la SEEG n’en est pas à son premier déboire. Elle a souvent été au cœur de critiques pour mauvaise gestion et tarification excessive. Par exemple, en 2017, l’État avait repris le contrôle de la société, dénonçant des investissements insuffisants dans les infrastructures. Plus récemment, des plaintes ont émergé concernant l’inefficacité du réseau et des interruptions fréquentes d’électricité.
La suspension de ce contrat marque donc un nouvel épisode dans la gestion complexe du secteur énergétique gabonais. Alors que l’enquête se poursuit, la situation soulève des questions sur la responsabilité des parties impliquées, y compris Jeannot Kalima, ministre de l’Énergie, dont le rôle dans ce dossier est examiné par les autorités. Ce cas illustre une fois de plus, l’urgence de renforcer la transparence dans les accords publics et de réformer la gestion de l’énergie au Gabon. Il met également en lumière les faiblesses structurelles de la SEEG, actuellement placée sous administration provisoire, une mesure décidée par l’État pour redresser une entreprise marquée par des difficultés financières et organisationnelles chroniques.
Cette situation complexe exacerbe les préoccupations concernant la gouvernance du secteur énergétique et l’efficacité des réformes engagées par les autorités. Le scandale Karpowership survient à un moment critique, où la SEEG, en quête de stabilisation, devait éviter tout engagement financier risqué pouvant aggraver ses dettes. La révélation de ce projet aux clauses controversées pose des questions sur la diligence des acteurs impliqués et les mécanismes de contrôle en place pour protéger les intérêts publics. Alors que le Gabon s’efforce de moderniser ses infrastructures et d’améliorer la fourniture d’électricité à sa population.