Alors que le Gabon peine toujours à sortir du tunnel de sa crise énergétique, EDF Cameroun frappe à la porte. Le 2 juillet 2025, son directeur général, Olivier Fesquet, a rencontré le ministre de l’Énergie, Philippe Tonangoye, pour proposer un accompagnement dans la production, le transport et la distribution d’électricité. Une offre de service qui n’a rien d’anodin : elle survient dans un contexte où Libreville cherche désespérément des solutions fiables pour rétablir un approvisionnement stable, notamment dans la capitale et ses périphéries.
Mais cette proposition soulève aussi des souvenirs encore frais. En 2020, c’est un autre géant français, Veolia, qui avait quitté en catimini le pays sous la pression des autorités et après des années de gestion contestée de la SEEG, marquées par des investissements jugés insuffisants, des délestages chroniques et des tensions permanentes avec les autorités. Quelques années plus tard, c’est Suez qui est arrivé mais pour gérer le déficit en eau courante. L’expérience de Veolia interroge : pourquoi vouloir confier à nouveau à une entreprise française une responsabilité aussi stratégique, sans d’abord tirer les leçons de ces précédents échecs ?
EDF Cameroun, filiale régionale du mastodonte énergétique, possède certes une expertise reconnue dans l’hydroélectricité, un domaine encore largement sous-exploité au Gabon. Son positionnement pourrait, sur le papier, apporter une ingénierie technique et des capacités d’exécution plus solides que celles observées par le passé. Mais entre la complexité institutionnelle du secteur, le poids des créances accumulées, et l’absence d’un véritable régulateur indépendant, l’environnement reste fragile. Sans réformes de fond, même les meilleurs partenaires techniques risquent l’enlisement.
L’autre enjeu est géopolitique. Ce retour d’un acteur français dans un secteur aussi vital ravive les craintes d’une dépendance néocoloniale, à rebours du discours de souveraineté porté par les autorités de Transition. Pourquoi ne pas prioriser les solutions régionales comme un partenariat avec la Guinée équatoriale, déjà avancée en interconnexion ? Mieux encore, pourquoi ne pas renforcer les capacités nationales, plutôt que de reconduire le modèle du « tout-délégué » à des firmes étrangères ?
L’offre d’EDF mérite d’être étudiée, mais pas dans l’urgence ni sous pression. Elle doit s’inscrire dans un cadre transparent, ouvert à la concurrence, assorti d’objectifs de performance clairs, de transferts de compétences locaux et d’un véritable contrôle public. Car au-delà des discours, c’est bien la crédibilité de la gouvernance énergétique du pays qui est en jeu. Et le Gabon, après tant de déceptions, n’a plus droit à l’erreur.