En apparence, la décision du Conseil des ministres du 12 août 2025 cible quelques activités de faible envergure : vente au détail de quartier, coiffure de rue, réparation de téléphones, envois d’argent non agréés, orpaillage artisanal illégal, achat informel de récoltes et exploitation de petits ateliers non enregistrés. Pourtant, derrière ces métiers modestes se cache un réseau économique invisible qui relie les marchés urbains, les villages producteurs et même les flux financiers transfrontaliers.
Le commerce de proximité tenu par des expatriés n’est pas qu’une question de vitrine : il s’appuie souvent sur des circuits d’approvisionnement parallèles qui échappent aux taxes et alimentent des marges compétitives. Les envois d’argent non agréés, eux, représentent une source cruciale de transferts pour certaines familles et une alternative au système bancaire formel, surtout dans les zones où celui-ci reste peu accessible. Leur interdiction forcera une partie de ces flux à passer par des canaux agréés, modifiant l’équilibre entre rapidité, coût et traçabilité.
La réparation de téléphones ou la coiffure de rue, souvent exercées par des artisans expatriés, constituent de petites « unités économiques mobiles » puisqu’elles opèrent avec un faible capital, génèrent des revenus immédiats et entretiennent un tissu de micro-prestations de proximité. Les retirer du paysage signifie aussi la disparition d’une concurrence agile qui obligeait les acteurs locaux à rester réactifs sur les prix et la qualité.
L’orpaillage artisanal et l’achat informel de récoltes, en revanche, touchent directement à la chaîne de valeur des ressources naturelles et agricoles. Interdire leur exercice aux étrangers peut recentrer les profits sur les nationaux, mais suppose aussi que ces derniers aient rapidement accès au capital, aux outils et aux réseaux de commercialisation nécessaires pour occuper l’espace laissé vacant. Sans cet aspect, l’effet immédiat pourrait être une baisse temporaire de l’activité et une augmentation du coût des intrants.
Cette mesure n’est donc pas seulement une régulation du commerce informel : c’est une redéfinition silencieuse des micro-circuits économiques du pays. Son succès dépendra moins de l’interdiction elle-même que de la capacité à formaliser rapidement les remplaçants nationaux, tout en évitant que les anciennes pratiques se déplacent vers des formes encore plus difficiles à contrôler.