En début de semaine, le Gabon et la Guinée équatoriale ont mené des plaidoiries devant la Cour Internationale de Justice (CIJ) à la Haye (Pays-Bas) pour l’affaire du différend territorial concernant la souveraineté des îles Mbanié, Cocotiers et Conga. Dans la perspective de mettre un terme à ce conflit, la CIJ va rendre ses conclusions au cours des prochaines semaines.
Les origines de la discorde
Le professeur Rossatanga-Rignault est formel, le conflit frontalier entre le Gabon et la Guinée Équatoriale est d’abord la résultante des ambiguïtés géostratégiques entre la France et l’Espagne (deux ex puissances coloniales). Selon lui, «le différend territorial opposant le Gabon à la Guinée Équatoriale ne naît pas en 1972, comme on a tenté de le faire croire lundi [lors de la plaidoirie de la Guinée Équatoriale, ndlr]. Bien au contraire, il n’est que la suite des divergences ayant prévalu entre la France et l’Espagne dans le Golfe de Guinée lors de l’expansion coloniale en Afrique».

En effet, ce rappel historique revêt son importance d’autant que l’analyse chronologique des faits, démontre la complexité géopolitique liée à cette séquence de l’histoire.

Ainsi, l’Espagne sortie affaiblie de ses expéditions sud-américaines, va se voir déposséder de ses territoires coloniaux, par la France son principal rivale en Afrique. Ce qui va déclencher des hostilités diplomatiques entre les deux puissances. Cependant, quelques temps plus tard, ils acceptent de négocier et la France rétrocède à l’Espagne des territoires tels que Corisco, Elobey Chico et Elobey Grande lors de la Convention de Paris du 27 juin 1900. Les îles Mbanié, Cocotiers et Conga ne faisant pas partie du deal laissaient présager que la France maintenait sa «souveraineté» sur elles. Hélas, quelques années après l’Entente, l’Espagne rétropédale et c’est le début du conflit.
Blocage et prolongement du conflit
Depuis, une longue séquence s’est ouverte. Les crises diplomatiques entre les deux pays voisins se multiplient et frôlent la catastrophe. En 1968, s’inscrivant dans la logique de son ancienne puissance coloniale, Don Francisco Macias Obiang Biyogo, président de la Guinée Équatoriale conteste cette Convention de Paris de juin 1900 en remettant sur la table les dossiers des îles Mbanié, Cocotiers et Conga. Les relations se détériorent avec le Gabon et les tentatives de parvenir à un Accord se soldent par des incidents diplomatiques. Entre autres, le décret Gabonais N°391 du 02 août 1967, la réunion de Bata (1971) et de Libreville (avril-mai 1972). Cependant, après moulte tractations, la signature de la Convention de Bata qui intervient le 12 septembre 1974 va instaurer une accalmie en déclarant en son article 3 : «les hautes parties contractantes reconnaissent d’une part que l’île Mbanié fait partie intégrante du territoire de la République gabonaise, et d’autre part, que les îles Elbey et Corisco font partie de la République de Guinée Équatoriale», soit une réaffirmation explicite des dispositions contenues dans la Convention de Paris du 27 juin 1900.

Mais en dépit cet accord, Obiang Nguema nouveau président de la Guinée Équatoriale décidé de retracer en 1999 les frontières terrestres et maritimes de la Guinée Équatoriale en incluant unilatéralement l’île Mbanié (situé à 16 km du Cap Estérias et 66 km de la Guinée Équatoriale) dans son espace territorial. Le Gabon de feu Omar Bongo Ondimba réagira à cette provocation et demandera à l’ONU et à ses instances, des arbitrages pour éviter une escalade entre lui et son voisin.
Vers l’attente d’un épilogue satisfaisant
Dans quelques jours, ce différend frontalier va connaître une issue définitive, car la Cour Internationale de justice rendra son verdict. Les arguments de plaidoirie donnés par chacune des parties seront analysés minutieusement par les juges de la Haye. De 1900 à 2024, les tumultes et remous occasionnés par des multiples incidents diplomatiques entre la Guinée Équatoriale et le Gabon connaîtront une issue favorable ou défavorable en fonction des intérêts de chaque pays. Au Gabon, la sérénité sur cette affaire est de mise. Les autorités s’impatientent de la «victoire», nous confie un haut gradé de l’administration qui se félicite de la résilience de l’élite intellectuelle du Gabon dans ce dossier.