On ne peut prétendre piloter une économie à l’aveugle. Et pourtant, c’est exactement ce que fait la Direction générale de l’Économie et de la politique fiscale (DGEPF), l’une des administrations les plus stratégiques du ministère de l’Économie gabonais. En théorie, cette direction est censée produire des analyses, suivre les agrégats macroéconomiques, publier des notes de conjoncture, alimenter les décisions publiques. En pratique, elle ne publie plus rien. Sinon peu et jamais dans les délais. Aucun tableau de bord spécifique. Aucune étude d’impact. Aucune information fiable sur la trajectoire réelle de l’économie nationale. Une absence gravissime dans un pays en pleine transition économique et en quête de réformes.
La responsabilité de cette panne incombe directement à son directeur général, Jean-Baptiste Ngolo Alini. À la tête d’une machine censée collecter, traiter et diffuser les données économiques, il semble avoir transformé la DGEPF en bunker administratif. Son silence devient politique. Son inertie devient un problème de gouvernance. On ne peut pas diriger une économie moderne sans outils de mesure, sans transparence, sans comptes rendus. À quoi servent les dizaines de services, les cellules, les directions spécialisées, si au final aucune donnée ne sort ? Où sont les notes trimestrielles de conjoncture ? Où sont les rapports sur les balances de paiements ? Où est le suivi du budget ? Rien.
Le site institutionnel est vide, les publications absentes, les statistiques inaccessibles. Une trahison de la mission première de cette administration. Le plus tragique dans cette situation, c’est qu’un frémissement avait eu lieu lors du bref passage de Mays Mouissi au ministère de l’Économie, un début de transparence avait été enclenché. On avait vu apparaître des publications, des données, un effort clair d’éclairage public. Il ne s’agissait pas de perfection, mais au moins d’un cap. Depuis son départ, c’est la régression. La DGEPF s’est refermée sur elle-même, et a renoncé à l’une de ses fonctions vitales : rendre compte. Ce retour à l’opacité est un désaveu pour toutes les promesses de transparence brandies par les autorités de transition.
Dans un pays où les décisions économiques sont prises dans un contexte de tensions budgétaires, d’endettement croissant, et de pression populaire, l’absence de données officielles est plus qu’une anomalie : c’est une faute. Comment bâtir des lois de finances crédibles sans synthèse économique ? Comment planifier des investissements publics sans scénarios macroéconomiques fiables ? Comment attirer des partenaires techniques et financiers si l’administration économique elle-même ne livre aucun chiffre?
Le silence de la DGEPF pénalise l’ensemble de la chaîne de décision publique. Il handicape les réformes. Il dessert l’État. Il est urgent que des sanctions tombent ou que des changements soient opérés à la tête de cette direction. Le Gabon ne peut pas continuer à confier la boussole économique du pays à une équipe qui refuse de publier la météo. À moins que ce soit un choix : cacher la réalité, dissimuler les déséquilibres, étouffer les alertes. Dans tous les cas, ce n’est plus tenable.
Le rôle d’une administration économique n’est pas de stocker l’information, mais de la produire, la traiter et la diffuser. En l’état, la DGEPF n’assume rien de tout cela. Et son directeur général doit aujourd’hui répondre d’un échec manifeste, voire d’un sabotage méthodique de la transparence économique du pays.