Le secteur pharmaceutique au Gabon connaît une hausse continue des importations, avec une augmentation significative de 6,6% au deuxième trimestre 2024. Bien que cette dynamique réponde à des besoins croissants en soins de santé, elle expose le pays à plusieurs risques économiques et sanitaires. Les défis liés à la dépendance excessive aux importations de médicaments, notamment les conséquences économiques, les risques pour l’accès aux soins et les dangers pour la souveraineté sanitaire du pays sont en question. Le développement d’une industrie pharmaceutique locale l’est également. Explications.
La flambée des importations pharmaceutiques fragilise l’économie gabonaise à plusieurs égards. Le fait que près de 85% des médicaments consommés soient importés, expose le pays à des fluctuations des prix sur les marchés internationaux. En cas de crises globales, telles que des perturbations logistiques ou des hausses des coûts de production dans les pays fournisseurs comme ce fut le cas pendant la Covid-19, le Gabon pourrait subir une envolée des prix des médicaments importés. Toute chose qui affecterait directement les finances publiques et ferait grimper les dépenses de santé.
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En effet, les coûts d’importation, auxquels s’ajoutent les taxes et droits de douane, augmentent les prix des médicaments pour les consommateurs locaux. Dans un pays où l’accès aux soins de santé reste fortement inégal malgré les 130 milliards de fcfa décaissés en moyenne pour le secteur, cette flambée des prix rend certains traitements inaccessibles pour une partie de la population, en particulier dans les zones rurales ou pour les ménages à faibles revenus. La dépendance du Gabon vis-à-vis des fournisseurs étrangers constitue donc un risque majeur pour la sécurité sanitaire du pays. Cette situation pourrait avoir des conséquences dramatiques, notamment en cas de besoins urgents liés aux maladies chroniques ou aux épidémies.
La Souveraineté sanitaire pas encore à l’ordre du jour
Cette dépendance aux produits pharmaceutiques étrangers limite la capacité du pays à contrôler la qualité et la sécurité des produits importés. Résultat, les médicaments génériques pullulent sur le marché local. Bien que les autorités sanitaires effectuent des contrôles, les failles sont nombreuses. Le risque d’importation de médicaments contrefaits ou de mauvaise qualité est bien présent, ce qui compromet la santé des patients. Sur le plan économique, l’augmentation des importations pharmaceutiques exerce également une pression sur la balance commerciale du Gabon. Le pays doit mobiliser une part importante de ses réserves en devises pour financer l’achat de médicaments à l’étranger.
Dans un contexte où les exportations de ressources naturelles, telles que le pétrole, subissent des fluctuations, cette dépendance peut déséquilibrer les comptes extérieurs du pays. Dans le même temps, la flambée des importations pharmaceutiques impacte les finances publiques, avec une augmentation des dépenses allouées aux subventions des médicaments et au soutien des infrastructures de santé. Autant de facteurs à risque auxquels il faut ajouter le ralentissement du développement d’une industrie pharmaceutique locale au Gabon, alors que des investissements dans des infrastructures de production locale de médicaments pourraient permettre de créer des emplois, d’améliorer l’innovation et de renforcer l’autonomie du secteur. D’ailleurs, la Santé Pharmaceutique, entreprise de production de médicaments basée à Nkok semble avoir été abandonnée à son triste sort faute de commandes publiques.
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Sans un plan stratégique pour stimuler la production locale, le Gabon pourrait rester embrigadé dans un modèle économique où il est obligé d’importer la grande majorité de ses médicaments, ce qui limiterait ses capacités d’innovation et d’adaptation aux besoins spécifiques de sa population. L’augmentation des prix des médicaments, liée aux coûts d’importation et aux fluctuations des devises, pourrait accentuer les inégalités d’accès aux traitements, surtout dans un pays où la pauvreté affecte une part non négligeable de la population. Ce phénomène pourrait aggraver les disparités régionales, en particulier entre les zones urbaines bien desservies et les zones rurales, où l’accès aux médicaments est déjà plus difficile. Dans un contexte de croissance économique incertaine, il est essentiel que le Gabon adopte une approche proactive pour gérer les risques associés à la dépendance aux importations et garantir la santé de sa population à long terme.