Alors que le Gabon ambitionne d’atteindre l’autosuffisance en carburant d’ici 2030, un partenariat stratégique avec le groupe chinois China Africa Business Council (CABC) apporte un financement de 28 milliards de fcfa destiné à la réhabilitation de la Sogara et à la construction d’une nouvelle raffinerie. Sur le papier, cette annonce marque une étape clé vers la modernisation de l’outil pétrolier national. Mais dans les faits, le montant annoncé suscite des interrogations : suffira-t-il à remettre sur pied une filière aval minée par des décennies de sous-investissement et d’obsolescence technique ?
Ce financement, bien qu’important, reste relativement modeste. À titre de comparaison, la remise à niveau d’une raffinerie vétuste dans la sous-région CEMAC coûte entre 80 et 150 milliards de fcfa selon les standards techniques internationaux. Or, la Sogara affiche un rendement de moins de 60%, des pertes en RAT de près de 50%, et une consommation énergétique interne excessive. La simple réhabilitation, sans transformation technologique profonde, ne résoudra ni les surcoûts logistiques, ni les faibles taux de conversion des résidus lourds en carburants commercialisables.
L’objectif affiché par China Africa Business Council est de tripler la capacité nationale de raffinage d’ici 2030, et de couvrir les besoins du marché local jusqu’en 2050. Cela nécessiterait de passer d’une production actuelle d’environ 700000 tonnes/an à plus de 2 millions de tonnes/an. Mais cette montée en puissance suppose la maîtrise de plusieurs facteurs : sécurisation des approvisionnements en brut, stockage, distribution, conformité aux normes environnementales, et surtout, mobilisation de ressources humaines qualifiées. Autant d’éléments absents des premières annonces officielles.
Le flou persiste également sur la nature du partenariat. Quelle part exacte est financée par le privé ? Quel est l’endettement public associé ? Y a-t-il des garanties sur la livraison effective des travaux d’ici 2027 et 2030 ? Pour l’heure, ni le ministère du Pétrole ni CABC ne détaillent les engagements contractuels, les mécanismes de suivi, ni les clauses de performance. Cette opacité entretient une certaine méfiance dans un pays où plusieurs projets pétroliers, comme le redémarrage de la raffinerie d’Owendo dans les années 2000, n’ont jamais abouti.
Ces 28 milliards de fcfa de CABC constituent un premier jalon. Mais ils ne représentent ni une garantie technique suffisante, ni une réponse complète aux défis de modernisation du secteur. Si Libreville veut vraiment transformer sa souveraineté énergétique en réalité, il lui faudra mobiliser au moins trois à quatre fois plus d’investissements, renforcer la transparence contractuelle, et professionnaliser la gouvernance de l’aval pétrolier. Autrement, l’ambition de 2030 pourrait rester un mirage de plus.