Le 24 novembre 2024, le Gabon a réceptionné un important lot d’équipements lourds d’une valeur de 64 milliards de fcfa destinés aux ministères des Travaux publics et de l’Agriculture. Cette dotation fait suite à un partenariat avec la société burkinabé EBOMAF, et se positionne comme un élément clé de la politique de modernisation des infrastructures du pays. Pourtant, alors que l’État gabonais s’apprête à adopter un budget national de plus de 4200 milliards de fcfa pour l’année à venir, la question se pose : pourquoi le Gabon, avec un budget aussi conséquent, se tourne-t-il vers un financement extérieur pour de tels équipements ?
Le budget de l’État gabonais pour 2024, qui dépasse les 4200 milliards de fcfa, inclut plusieurs postes de dépenses importants. Parmi eux, 592,6 milliards sont alloués aux investissements, tandis que 825,3 milliards sont consacrés à la masse salariale. Les dépenses liées aux biens et services s’élèvent quant à elles à près de 400 milliards de fcfa. Ces chiffres mettent en lumière les choix budgétaires du gouvernement, qui semblent privilégier la gestion courante de l’État plutôt que des investissements en équipements lourds, pourtant essentiels pour le développement des infrastructures et de l’agriculture.
Le financement de ces équipements par EBOMAF (Entreprise Bonkoungou Mahamadou et Fils) une entreprise burkinabé bien connue sur le continent, soulève plusieurs interrogations. En effet, dans le cadre de ce partenariat, le Gabon ne se contente pas d’acheter des machines, il s’agit d’un contrat d’une ampleur considérable, qui impose des dépenses substantielles pour le pays. Alors, pourquoi ne pas utiliser une partie du budget d’investissement pour acquérir ces équipements directement, sans recourir à un financement extérieur ? Ce choix pourrait témoigner d’une incapacité, ou d’une volonté de ne pas mobiliser de fonds nationaux pour ces dépenses spécifiques, malgré les ressources disponibles.


En parallèle, des dépenses importantes en primes et en biens de consommation (15 milliards de fcfa en primes et près de 400 milliards pour les biens et services) questionnent la gestion des priorités publiques. Si l’État gabonais peut se permettre de financer de telles dépenses, pourquoi ne pas allouer davantage de ressources à l’achat direct d’équipements pour les ministères des Travaux publics et de l’Agriculture, au lieu de se tourner vers un partenaire privé pour financer ces acquisitions ? Cela laisse planer un doute sur la cohérence de certains choix budgétaires, alors même que des priorités de développement sont en jeu.

Si le partenariat avec EBOMAF s’inscrit dans une dynamique de « partenariat Sud-Sud », une stratégie qui fait écho aux ambitions africaines de renforcer les liens économiques et d’ouvrir de nouvelles voies de financement entre pays africains, elle pose tout de même question. Ce modèle de coopération ne doit pas faire oublier que le Gabon, en tant que pays souverain, dispose de moyens financiers considérables. Les prêts ou partenariats de ce type ne sont-ils pas un signe d’une gestion financière plus prudente, ou d’une difficulté à gérer certains investissements de manière autonome ?


Bien que la réception de ces équipements par le Gabon soit un pas positif pour la modernisation des infrastructures et l’agriculture, elle soulève des questions légitimes sur la gestion budgétaire du pays. Si le budget national est en augmentation et comprend des dépenses importantes pour le fonctionnement de l’État, le recours à un financement extérieur pour des équipements stratégiques pourrait signaler un manque d’optimisation des ressources internes ou une priorisation discutable des dépenses publiques. Dans tous les cas, cette situation mérite une réflexion approfondie sur la manière dont le Gabon peut à la fois stimuler son développement et rationaliser l’utilisation de ses ressources.