À compter du 1er janvier 2026, toutes les entreprises enregistrées au Registre du Commerce, à l’exception de celles réalisant moins de 2 milliards de fcfa de chiffre d’affaires, devront construire ou acquérir un siège social en propre. C’est le conseil des ministres qui l’a annoncé. L’objectif affiché est de mettre fin à une situation jugée anormale, celle d’entreprises réalisant des milliards de chiffre d’affaires tout en opérant depuis des locaux exigus, précaires ou loués. La mesure vise à renforcer l’ancrage territorial des sociétés et à stimuler indirectement le secteur immobilier national.
Si cette initiative peut sembler saine dans son intention, elle n’en soulève pas moins de nombreux enjeux pratiques et économiques. À commencer par l’état du marché foncier et immobilier au Gabon, marqué par une faible accessibilité, des procédures longues et coûteuses, et un encadrement juridique encore trop flou. Imposer une telle obligation dans ces conditions revient à ajouter une contrainte majeure, notamment pour les entreprises à croissance rapide ou les structures intermédiaires qui n’ont pas toujours la capacité d’investissement requise.
Bâtiment administratif ou site industriel ?
Cette mesure pourrait en effet freiner l’implantation de nouvelles entreprises, ou pousser certaines à fractionner artificiellement leur chiffre d’affaires pour rester sous le seuil réglementaire. Elle pose également la question de la définition même d’un « siège social”. S’agit-il d’un bâtiment administratif ou d’un site industriel complet ? Quelles normes s’appliqueront ? Ces zones grises risquent de générer une bureaucratie supplémentaire au lieu de simplifier l’environnement des affaires.
D’un point de vue économique, cette réforme pourrait certes favoriser l’émergence d’un marché local de la construction et de la promotion immobilière. Mais cet effet ne sera visible que si les conditions d’accès au foncier sont clarifiées, si les zones d’accueil sont développées, et si l’État lui-même donne l’exemple en rationalisant son propre parc immobilier. Sans accompagnement, cette réforme pourrait s’apparenter à un transfert de charge brut vers le secteur privé, sans gain réel pour l’économie nationale.
L’objectif est noble et somme toute logique au regard de ce qu’engrange pas mal d’entreprises installées dans le pays. L’obligation d’ériger un siège social traduit une volonté de normalisation administrative, mais elle doit être maniée avec discernement. Cependant, elle ne saurait être efficace que dans le cadre d’un écosystème économique assaini, encadré et incitatif, et non dans un climat d’injonctions rigides sans solutions concrètes pour les entreprises concernées.