Depuis quelques mois, le Gabon attire un nombre croissant d’entreprises ouest-africaines cherchant à s’implanter durablement sur son marché. Dernier en date, Coris Bank International (CBI) a officialisé son intérêt pour une expansion au Gabon, marquant une nouvelle étape dans la montée en puissance des acteurs économiques venus de la sous-région. Avant elle, le groupe burkinabé EBOMAF a pris le contrôle de la Compagnie nationale de navigation intérieure et internationale (C2N2I), renforçant sa présence dans le pays après plusieurs contrats d’infrastructures routières. De son côté, Avos a récemment racheté la Société meunière et avicole du Gabon (SMAG), illustrant l’intérêt croissant des investisseurs ouest-africains pour le secteur agroalimentaire gabonais.
Cette dynamique s’inscrit dans un contexte où le Gabon, en quête de diversification économique, offre des opportunités dans plusieurs secteurs clés. L’ouverture de l’économie à des capitaux étrangers, notamment intra-africains, est facilitée par un cadre réglementaire qui, bien que perfectible, reste attractif. L’intérêt des entreprises ouest-africaines repose sur plusieurs facteurs : une stabilité relative comparée à certains pays voisins, une position stratégique au cœur de la CEMAC, ainsi qu’un marché encore peu saturé dans certaines industries. Toutefois, cette offensive économique soulève aussi des interrogations sur la capacité des entreprises locales à faire face à cette nouvelle concurrence et sur l’impact de ces investissements sur la souveraineté économique du pays.
Le secteur des infrastructures en est un bon exemple. EBOMAF, déjà actif dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, a su s’imposer au Gabon grâce à des contrats de plusieurs milliards de fcfa. Son acquisition de la C2N2I lui donne désormais une emprise stratégique sur le transport fluvial, un levier essentiel pour le développement économique du pays. Dans l’agroalimentaire, le rachat de la SMAG par le groupe Avos témoigne d’une volonté de renforcer l’offre locale en produits meuniers et avicoles, un enjeu stratégique dans un pays où la sécurité alimentaire est un défi majeur. Quant au secteur bancaire, si Coris Bank International obtient son agrément, elle viendra concurrencer un marché dominé par trois établissements représentant près de 70 % des actifs bancaires, avec des perspectives de financement élargies pour les PME/TPE.
L’implantation d’entreprises ouest-africaines pourrait aussi avoir des répercussions sur l’emploi et le transfert de compétences. Si ces groupes viennent avec leur expertise et leurs capitaux, la question de l’intégration des travailleurs gabonais dans leurs effectifs demeure essentielle. Le défi pour les autorités sera d’encadrer ces investissements afin qu’ils ne se traduisent pas uniquement par une importation de main-d’œuvre étrangère, mais aussi par la création de véritables opportunités pour les professionnels locaux. Une politique incitative, incluant des obligations en matière de formation et d’emploi local, pourrait permettre de maximiser les retombées positives de cette nouvelle dynamique.
L’essor des investisseurs ouest-africains au Gabon traduit ainsi une recomposition des forces économiques en Afrique centrale. Si cette dynamique peut offrir de nouvelles perspectives en termes de création d’emplois, d’innovation et de diversification des offres de services, elle pose aussi la question de l’équilibre entre ouverture économique et préservation des intérêts nationaux. Reste à voir comment les autorités gabonaises accompagneront cette transition pour s’assurer que cette nouvelle vague d’investissements bénéficie réellement à l’économie locale.