Depuis plus d’un an, le Gabon est géré par un gouvernement de transition, sous la houlette du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), chargé de restaurer l’ordre public et de mettre fin aux dérives financières qui ont longtemps caractérisé la gestion des fonds publics sous l’ancien régime d’Ali Bongo Ondimba. L’une des affaires les plus sensibles demeure celle des fonds alloués à la lutte contre la Covid-19, estimés à 177,2 milliards de fcfa, qui ont fait l’objet de multiples accusations de détournements et de gestion calamiteuse. Mais plus d’un an après la prise de pouvoir du CTRI, aucune enquête ou poursuite judiciaire n’a encore été rendue public contre les responsables des malversations liées à ces fonds.
En 2020, dans le cadre de l’urgence sanitaire mondiale, le Gabon a bénéficié d’un financement de 177,2 milliards de fcfa de l’Instrument de Financement Rapide (IFR) du FMI. Ce fonds avait pour objectif de soutenir la gestion de la crise sanitaire, en particulier la mise en place de structures de dépistage, de traitements, et l’approvisionnement en matériel médical. Pourtant, un audit mené par Deloitte Touche Tohmatsu a révélé de graves irrégularités dans l’utilisation de ces fonds. Des dépenses non justifiées, des services non fournis et des écarts flagrants entre les montants annoncés et ceux réellement utilisés ont été mis en évidence.
Les résultats de l’audit ont révélé des indices forts de détournement de fonds à des fins personnelles ou d’intérêts personnels. Le ministre de la Santé de l’époque, Guy Patrick Obiang Ndong, et les membres du Comité de pilotage du plan de veille et de riposte contre le coronavirus (Copil) de la gestion de la Covid-19 étaient désormais dans le collimateur des autorités. Mais, plus d’un an après la prise de pouvoir du CTRI, aucune action judiciaire substantielle ne semble encore avoir été engagée contre les responsables présumés de ces malversations, sauf si elle n’a jamais été rendue publique.
Un appel à la justice, mais des actions limitées
Les soupçons de détournements de fonds, qui se sont intensifiés après la publication des résultats de l’audit, soulèvent de vives interrogations dans la société gabonaise. Plusieurs acteurs politiques et de la société civile ont appelé à une enquête approfondie et à la mise en œuvre de sanctions contre les responsables. Les autorités de l’époque, dont plusieurs membres influents battent campagne pour le référendum auprès du CTRI, n’ont semble-t-il, pas jugé nécessaire d’engager des poursuites qui s’imposaient pourtant.
Cependant, le silence de la justice reste assourdissant. Le Comité pour la transition et la restauration des institutions a fait de la lutte contre la corruption une priorité, mais la lenteur des procédures et l’absence de poursuites judiciaires concrètes soulèvent des doutes quant à la réelle volonté politique de faire toute la lumière sur cette affaire. Plusieurs tasks force ont été initiées, celle sur la gestion des fonds Covid-19 ne peut pas être en reste. Les Gabonais attendent avec impatience que les responsables de ces malversations soient traduits en justice, afin de restaurer la confiance dans les institutions du pays.
Un enjeu pour l’avenir du pays
Les fonds Covid-19 auraient dû permettre de renforcer le système de santé gabonais, qui peine encore à faire face à de nombreuses carences. Les infrastructures sanitaires restent insuffisantes, notamment dans les zones reculées du pays, et les réformes attendues dans ce secteur demeurent largement en suspens. Le non-usage approprié de ces fonds constitue donc non seulement une injustice, mais aussi un frein au développement du pays, à un moment où les Gabonais s’attendent à une amélioration de leur quotidien.
Le gouvernement de transition a clairement affiché sa volonté de restaurer la justice et la transparence dans la gestion des finances publiques au moins de 2016 à leur prise du pouvoir. Cependant, la persistance du statu quo dans le traitement de l’affaire des fonds Covid-19 met à mal cette promesse.
En fin de compte, la lutte contre la corruption et l’impunité au Gabon ne se mesurera pas seulement par des discours, mais par des actes concrets. Le traitement de l’affaire des fonds Covid-19 sera un test majeur de la crédibilité et de la volonté réformatrice du CTRI. Les Gabonais attendent des résultats tangibles, et il est temps que la justice s’empare de ce dossier brûlant.